mercredi 30 mars 2016

Traité d'Anthropologie Musicale

Une plongée dans le cœur d'une France en voie de disparition, un passionnant recueil mémoriel méthodiquement et précautionneusement compilé par un label qui ne pense pas qu'à son compte en banque, et un texte d'introduction critique (parce que les spécialistes le sont toujours) et juste (parce que ça finit bien), c'est la proposition du jour ! Enjoie !

V/A "FRANCE : UNE ANTHOLOGIE
DES MUSIQUES TRADITIONNELLES"
(1900-2009)

Et c'est donc à la plume de Luc Charles-Dominique (Cahiers d’ethnomusicologie) que je vous confie : "Lancé il y a au moins cinq ou six ans par Guillaume Veillet pour le compte des éditions Frémeaux & Associés, le vaste chantier France : une anthologie des musiques traditionnelles vient de connaître son aboutissement par une monumentale édition d’un coffret de dix disques. Projet pharaonique comme il en paraît un tous les dix ou vingt ans, et consacré à un domaine particulier, cette anthologie est le fruit d’une collaboration d’un nombre considérable de chercheurs et collecteurs individuels, d’associations (entre autres les Centres régionaux de musiques et danses traditionnelles) et d’institutions, au premier rang desquelles figure le MuCEM (Musée des civilisations d’Europe et de la Méditerranée, ex-Musée national des Arts et Traditions Populaires). Alternant avec un certain bonheur des chants de toutes sortes, des pièces instrumentales, des « paysages sonores » et quelques enregistrements anciens de rituels, chacun des dix disques offre à l’auditeur une exploration sonore de grande qualité, souvent dépaysante car renvoyant la plupart du temps à des époques lointaines et depuis longtemps révolues. Chaque disque est introduit par une petite présentation des principales caractéristiques musicales et culturelles de la zone abordée ; chaque pièce bénéficie d’une notice écrite avec concision et précision, permettant de contextualiser les divers enregistrements. Enfin, la provenance des phonogrammes est soigneusement indiquée, de même que, pour chaque disque, la mention de toutes les collaborations – mais, là, avec des oublis ou au contraire des mentions qui n’ont pas vraiment lieu d’être.
L’organisation de cette anthologie est telle que l’auditeur se voit contraint d’adopter le découpage « régional » : 1) « Bretagne (enregistrements réalisés entre 1900 et 2006) » ; 2) « France de l’Ouest (enregistrements réalisés entre 1956 et 2006) » ; 3) « Auvergne et Limousin (enregistrements réalisés entre 1913 et 1998) » ; 4) « Centre France (enregistrements réalisés entre 1909 et 1997) » ; 5) « Sud-Ouest (enregistrements réalisés entre 1939 et 2006) » ; 6) « Méditerranée (enregistrements réalisés entre 1935 et 2003) » ; 7) » Alpes, Nord et Est (enregistrements réalisés entre 1930 et 2006) » ; 8) « Corse (enregistrements réalisés entre 1916 et 2009) » ; 9) « France d’Outre-mer (enregistrements réalisés entre 1962 et 2007) » ; 10) « Français d’Amérique (enregistrements réalisés entre 1928 et 2004) ». Parti pris assez classique, mais qui présente l’inconvénient de « zoner », de territorialiser des pratiques musicales très diverses, de les essentialiser aussi. Et puis, un tel traitement est parfois cause d’incohérences difficilement justifiables. Ainsi, dans le disque « Méditerranée », on trouve des enregistrements de Patrick Mazellier réalisés dans le village d’Orcières (Hautes-Alpes), c’est-à-dire dans une culture alpine et montagnarde qui a bien peu à voir avec celle du littoral méditerranéen (il est vrai qu’ici, ce sont le Dauphiné et le Vivarais qui sont en « Méditerranée »), alors qu’il aurait peut-être été plus judicieux de les placer dans le disque suivant, mais dans lequel on a bien du mal à comprendre la logique géoculturelle qui a prévalu à l’établissement de la zone « Alpes, Nord et Est » définie comme suit : « Aire franco-provençale – Val d’Aoste, Suisse romande, Savoie, Lyonnais –, Franche-Comté, Alsace, Lorraine, Nord, Wallonie, Paris et le bal musette » ! De même, dans le texte introductif du disque « Sud-Ouest », la géographie de cette zone est présentée de telle façon que le Béarn et la Bigorre ne se trouvent plus en Gascogne, que le Quercy est déclaré attenant à l’Auvergne, alors qu’il l’est tout autant – sinon plus – au Limousin.
N’étant évidemment pas spécialiste de ces dix grandes zones, je serai dans l’incapacité de porter une appréciation précise et détaillée sur la représentativité musicale de chacune d’entre elles en regard des choix opérés par Guillaume Veillet. Dans celles que je connais le mieux (« Sud-Ouest » et « Méditerranée »), j’ai constaté des déséquilibres et des manques. Par exemple, dans le disque « Sud-Ouest », la dimension instrumentale est sous-représentée (même pas le tiers des pièces), avec une curieuse absence de toute référence au hautbois, alors que sont disponibles les enregistrements de Charles Alexandre aux hautbois de Bigorre, du Couserans et du Haut-Languedoc. Dans le disque « Méditerranée », aucune référence n’est faite aux marins et pêcheurs (il existe un air de procession des pêcheurs de Gruissan – Aude – pour la Saint-Pierre), à l’animation musicale et aux paysages sonores des jeux taurins, au jeu du violon en Languedoc, au hautbois des Cévennes, au fait que les Gitans sont soit andalous, soit catalans, etc. Mais il est vrai que vouloir dresser le portrait sonore d’un territoire en soixante-dix minutes, au-delà de la notion de « paysage sonore » que je considère personnellement comme une construction idéologique, méthodologiquement inopérante, demeure une formidable gageure.
Il y a néanmoins, dans toute cette « régionalisation » musicale, un fait notable qui dénote l’évolution positive que connaît l’ethnomusicologie de la France depuis déjà un certain nombre d’années. La « France » qui nous est présentée ici s’ouvre sur l’Outre-mer et aussi sur la francophonie nord-américaine. Certes, l’intérêt pour l’Outre-mer ne date pas d’aujourd’hui et l’auditeur trouvera dans le disque consacré à cette zone plusieurs enregistrements déjà anciens de Claudie Marcel-Dubois et Marie-Marguerite Pichonnet-Andral. Mais, jusqu’à une période assez récente, le revivalisme français des musiques et danses traditionnelles n’a pas suscité grande attention, dans l’ensemble, aux musiques de l’Autre, extra-hexagonales, hors « métropole ». Cependant, cette anthologie, dont la plupart des pièces soit sont anciennes, soit datent des années 1970 et 1980, ne s’écarte que trop peu encore des cultures musicales régionales de la France métropolitaine, qui sont ici à peu près toutes rurales, de surcroît. En effet, dans les huit premiers disques (235 phonogrammes au total), on n’entend en tout et pour tout que six pièces de musiques tsiganes, juive, d’émigrés polonais, grecs, etc.
Cette anthologie publie des enregistrements inédits et d’autres qui ont déjà été publiés. Les pièces inédites représentent 41 % des phonogrammes (120 sur 293). Ce qui est assez surprenant, c’est que la grande majorité des pièces publiées provient de CDs assez récents (96 pièces) ; 66 sont des publications d’enregistrements provenant de disques 33 tours ; seulement 11 sont des publications de 78 tours. D’une région à l’autre, le ratio entre inédits et publiés varie très sensiblement. Cet intéressant constat est très éclairant sur les niveaux des différents traitements régionaux de l’édition discographique des documents de collecte. Certaines régions, notamment à travers leurs Centres régionaux de musiques et danses traditionnelles ou certaines associations patrimoniales emblématiques et dynamiques, se sont dotées d’outils éditoriaux efficaces, comme par exemple les collections discographiques d’ethnomusicologie régionale, généralement estampillées « Atlas sonores ». Dans d’autres régions (parfois pour d’autres raisons), la publication des sources est moins avancée. De ce point de vue, le disque « Corse » est une magnifique réussite : il est presque entièrement inédit (20 inédits contre 4 enregistrements publiés dans des 33 tours) ! Au-delà de la beauté des enregistrements, son intérêt n’en est que plus important. Par ailleurs, j’ai été très surpris de la quantité des pièces inédites en provenance du MuCEM : 45 au total (soit environ un disque et demi), sans compter celles qui sont reproduites ici mais qui ont déjà été publiées. Ce n’est pas la présence de ce fonds qui me surprend car on connaît depuis maintenant un certain nombre d’années, avec Florence Gétreau dans un premier temps, puis avec Marie-Barbara Le Gonidec aujourd’hui, la volonté d’ouverture, de restitution des fonds aux régions, de collaboration éditoriale. Mais enfin, on se demande pourquoi le MuCEM, grande institution patrimoniale nationale, ne s’est encore jamais lancé dans une édition systématique de ses fonds ! On se prend à rêver d’une immense collection discographique, un peu à l’image de l’édition des archives d’Alan Lomax, qui serait de surcroît véritablement scientifique (avec comité éditorial).
Je terminerai avec deux critiques plus générales, l’une portant sur la présentation formelle de cette anthologie, l’autre sur son traitement documentaire. Le « coffret » dont il est question ici se résume en réalité en un large emballage cartonné ouvert sur un côté, dans lequel on glisse un à un les dix « boîtiers cristal » des CDs ! Présentation tristement indigente (je ne parlerai pas ici des illustrations des jaquettes conçues par Crumb et qui ne sont pas sans évoquer les années 1970 et leur culture underground) pour une réalisation qui n’a jamais connu de précédent et qui ne sera sans doute pas renouvelée de sitôt, pour un projet éditorial d’envergure internationale ! Au-delà de la présentation, c’est le traitement éditorial lui-même qui semble irrationnel. Ainsi, chaque disque possédant son livret (que l’on froisse ou que l’on arrache à chaque fois que l’on veut le consulter !), nous avons dix fois le même texte général de présentation de l’anthologie (les collectes historiques en France, le revival, etc.) et dix fois le même texte d’intention de la FAMDT (Fédération des Associations de Musiques et Danses Traditionnelles, l’un des partenaires de cette publication) ; un texte curieux d’ailleurs qui, en insistant fortement sur la nécessité d’utiliser aujourd’hui ces sources pour une création contemporaine, donne presque l’impression de « s’excuser » d’une publication à caractère aussi ethnomusicologique, ce qui me paraît en totale contradiction avec le projet éditorial lui-même.
En place de ces redondances, on aurait aimé trouver des textes beaucoup plus consistants sur l’histoire des collectes, la constitution du champ de l’ethnomusicologie de la France, le revival, etc. On aurait aimé lire un traitement documentaire réellement scientifique des enregistrements publiés. On ne peut pas mettre côte à côte une collecte de Ferdinand Brunot et une autre de Claudie Marcel-Dubois sans expliquer ce qui les différencie fondamentalement, au-delà des décennies qui les ont séparées. On ne peut pas publier des enregistrements de rituels par Claudie Marcel-Dubois sans se livrer à une anthropologie du sonore, même rapide. On ne peut pas présenter la flûte pìrula corse seulement comme « un instrument à vent taillé dans le roseau » ! Par ailleurs, plusieurs chants historiques ou complaintes sont déclarés non « traditionnels », tout simplement parce que certains sont signés, à l’instar d’une chanson écrite en 1856 et que chantait l’une des domestiques de George Sand. Guillaume Veillet nous précise alors : « Il ne s’agit en aucun cas d’une chanson traditionnelle. » Ne doit-on pas ici poser le problème différemment, en évitant à tout prix de reproduire d’une part les schémas folkloriques historiques, d’autre part de se référer à la notion problématique de « tradition », en usant de notions plus précises (non connotées) comme par exemple « formes orales standardisées », que Goody suggéra en son temps et qui me paraît ici beaucoup plus juste ? Une telle publication, qu’on le veuille ou non, est une édition d’ethnomusicologie. Elle se doit impérativement d’être présentée de façon rigoureuse et scientifique, au risque d’aboutir à un non-sens éditorial en cas contraire.
Que toutes ces petites critiques ne ternissent en rien l’immense plaisir que j’ai ressenti à l’écoute de ces nombreux disques, plaisir toujours enrichi de la découverte de ces pièces pour la plupart du plus haut intérêt. C’est une œuvre monumentale, titanesque, rare, qui vient d’être réalisée ici. Il faut en être reconnaissant à Guillaume Veillet, son concepteur et son réalisateur, et aussi à Frémeaux & Associés qui poursuivent ici une action patrimoniale utile et de grande ampleur.
"
Voilà, c'est critique donc. Et, comme promis, ça finit bien vous incitant comme il se doit à une plongée dans cet énoooorme objet.

Disque 1 Bretagne (1900-2006)
1. Antoinette Perrouin - Approchez Pour Entendre 2:24
2. Loeiz Ropars;  Pierre-Jean Motreff - Ni A Gano Hag A Zan So 1:46
3. Frañsou Menez - Airs De Bombarde Sonnés Par Léon Bihan 0:46
4. Benjamin Guigueno;  Louis Le Blond - Jabadao 2:59
5. Jeannette Macquignon - Entretien Avec Jeannette Macquignon 0:46
6. Jeannette Macquignon - Apportez-Nous A Boire 1:22
7. Rythmes De Battage Au Fléau 0:43
8. G. Kervella - Lavar Din Me Ta Paotr Yaouank 4:26
9. Alfred Gascard;  Groupe D'anciens De Saint-Vincent-Sur-Oust;  Victor Caro - Suite De Chants A Danser De Haute Bretagne 4:14
10. François Lefeuvre;  Louis Morin - Rond A Louis Ruellan 2:39
11. Marie-Josèphe Bertrand - Skolvan 8:33
12. André Bocéno - La Complainte De Saint Alexis 3:17
13. Marie Robic;  Paul Guéganic - Er Plah A Sant Karadeg 1:39
14. André Duhamel - Ma Merc'h Marie Louise 5:19
15. Alain Le Buhé;  Daniel Léon;  Jude Le Paboul - Merc'hed Ag Ar Ger Man 3:20
16. Félix Guégan;  Iwan Thomas - Dans Fanch Guilherm Domaz 1:27
17. Jeanne Goré;  Marie Lejanvre - Le Moulin Blanc/Cueillir Le Lin 1:01
18. M. Leray - Avant Deux De Travers Gavotté 0:33
19. Jean-Marie Manceau - Avant Deux Du Pays De Fougères 2:50
20. Groupe D'anciens Terre-Neuvas - Chansons Pour Curer Les Rins 1:37
21. Louis Niol - C'etait Par Un Lundi 3:25
22. Elie Guichard - On Mène La Mariée A L'eglise 2:28
23. Louis Le Bonniec - Yannig Kongar 5:39
24. Joseph Lucas - Je Me Suis Engagé 2:50
25. Lomig Donniou;  Manu Kerjean - Ar Verjelenn 5:45
26. Alain-Pierre Guéguen - Quatre Thèmes De Gavotte 2:27
27. Les Soeurs Goadec - D'omp D'an Un 2:04

Les Sœurs Goadec

Disque 2 France de L'Ouest (1956-2006)
1. André Vivier - Il Est Arrivé En Paris 2:42
2. Eugène Heulin;  Jules Clouhet - Mazurka Java 1:49
3. Emile Boublin - Avant Deux Gavotté 1:36
4. Auguste Billaud;  François Jobard - Avant Deux Du Bocage 0:44
5. Madeleine Ducept - Mais Tout Autour De Ma Patrie 4:08
6. Pierre Broustière - Scottish De Sept 1:25
7. Léonce Létang - Appel De Labour Ou Raudage 1:36
8. Joseph Greillard - Quand Je Tiens La Bride De Mon Cheval 2:46
9. Providence Bouteau Dite "Maguesite" - Je Vais Vous Dire Ma Vie 1:03
10. Providence Bouteau Dite "Maguesite" - Sur Le Pont D'avignon 2:21
11. André Raimondeau;  Joseph-Gabriel Boucard;  Julien Saupault - La Violette Double 1:26
12. Louis Le Bellanger - J'ai Une Pomme Dans Mon Panier 1:53
13. Yvonne Hamel - Buvons A La Santé D'un Prince 2:39
14. Albert Averty;  Etienne Véronneau;  Jacques Pineau - Suite De Branles Maraichins 1:23
15. Gustave Mandin;  Michel Kerboeuf - Air De Maraichine 2:09
16. Maria Arnaudeau - Il Y A Plus Que Dix Filles Dans Un Pré 1:02
17. Monsieur Bourdet - Nous Voilà Bien Du Monde Ici 4:12
18. Denise Sauvey - Je M'en Fus Trouver Ma Maitresse 3:35
19. Pierre Burgaud - Un Jour Un Jour M'y Prend Envie 3:20
20. Les Echos du Val d'Yon - La Chevallereau 1:31
21. Eva Burgaud - Le Roi Renaud Revint De Guerre 4:35
22. Groupe Des Charitons De Saint-Léger-De-Rôtes - Ensemble De Tintenelles A La Sortie De La Messe 1:04
23. René Doublet - Bal De Saintonge 1:40
24. Marguerite Graindorge - Les Garçons Sont Trompeurs 2:31
25. Lucien Allard - Pas D'eté 1:31
26. Henriette Guillard - Dedans La Ville De Plaisantement 1:49
27. Aimé Bozier - La Marchoise 1:01
28. Raymond Taraud - Ce Sont Trois Jeunes Marins 2:35
29. Sirènes Lors Du Pardon Des Terre-Neuvas 0:52
30. Jack Le Feuvre;  John Le Feuvre - Ce Sont Trois Galions D'Espagne 3:11
31. Hélier Le Lacheur - La Bébé 1:00

Providence Bouteau

Disque 3 Auvergne et Limousin (1913-1998)
1. Michel Meilhac - Pot-Pourri De Bourrées Auvergnates 2:34
2. René Rongier - Minuit Vient De Sonner 1:41
3. Félicie Sabatier - Appel Des Vaches 0:16
4. Départ En Estivage D'un Troupeau De Bovins 0:52
5. Joseph Perrier - Tant Pire 1:10
6. Marie Taves - Le Premier Jorn De Mas Noças 2:58
7. Jean Baconet - Marche De Noce 0:55
8. Louise Reichert - La Demenam La Nostra Novia + Entretien 2:40
9. André Vermerie - La Demenam La Nostra Novia 1:05
10. Louis Linard - Marche De Bredou 0:30
11. Léon Peyrat - Adieu Privas 1:15
12. Léon Peyrat - Suite De Bourrées 1:29
13. Henri Chevalier - Sos Le Pont D'orléans 3:08
14. François Vidalenc - Bourrée A François 1:07
15. Louise Reichert - Fai-Lo Cornard Ma Filha 1:00
16. Roger Vaissade - Lo Ribatel 1:21
17. Henri Bayle - Passant Par Paris 4:07
18. Marcel Piaud - Valse A Tintin 1:58
19. Marie Ischard - Complainte Sur L'assassinat Du Duc De Berry 2:33
20. Alexandre Savignat;  Antonin Pécoil - Polka Piquée 1:24
21. Berthe Chevalier - Cinc Sous Per La Chambriera 1:17
22. Alfred Mouret - Bourrée Deux Tons 0:31
23. Alfred Mouret - Le Métier De Violoneux 0:53
24. Antonin Chabrier - Ont Anarem Gardar 1:29
25. André Gatignol;  René Bernard - Réveillez-Vous Fidèles 2:33
26. Maria Faurisson - La Passion De Jésus Christ 2:51
27. Louis Jarraud - L'ame Entendit 1:10
28. "Camillou" Gavinet;  Angélique Tarrade;  René Gavinet - Valse 2:40
29. Michel Tournadre - Crebe De Set 0:35
30. Marcelle Delpastre;  Marie-Louise - Rossignolet Charmant 2:42
31. Guillaume Morzières - Para Lo Lop 1:04


André Vermerie

Disque 4 Centre France (1909-1997)
1. Louis Dit "Lili" Batillat - Valse Du Jean Morin 2:02
2. Andrée Deffault - - La Belle S'en Va Au Jardin Des Amours 2:26
3. Sylvain Robin - Briolée Aux Boeufs 1:50
4. Edith Montardon;  Jules Devaux - Bourrée A Malochet 1:20
5. Juliette Pearron - Tes Moutons Ma Bargère 3:00
6. Jean-Marie Jarillot - Polka De L'henri Charlot 1:32
7. Marcel Thibault - Rossignolet Des Bois 2:33
8. Gaston Riviere - En Sautant La Rivière 1:37
9. Annonce De L'angélus + Chant De Quête 1:51
10. Jean Bizet - Bourrée Croisée 1:17
11. Maurice Reverdy - La Galette 0:36
12. Défilé De Cortège Du Carnaval Dit Tape-Chaudron, Le Soir Du Lundi-Gras 0:38
13. Francis Michot - Du Bon Matin Je Me Suis Levé 2:53
14. Henrik Clément; Maurice Clément - Bourrée Tournée 1:44
15. Dialogue Chanté Entre Mélanie Touzet Et Louise Bigaud 0:43
16. Joseph Fleuret - Scottish A Fleuret 1:41
17. Jean Pirot - C'est Trois Maçons Jolis 2:53
18. M. et Mme Laplanche - Branle D'ecueillé 1:25
19. Bernard Ménadier - Branle 0:51
20. Jean Rameau - Bourrées Berrichonnes 2:53
21. Roger Pearron - Gaston Guillemain Par Roger Pearron 0:51
22. Gaston Guillemain - Quadrille Berrichon 6:00
23. Gaston Guillemain;  Lucien Guillemain - La Marche Des Cornards 2:30
24. Jean-Marie Martin - Habitants De Tout Age 6:01
25. Jean-Dominique Lajoux - Le Pressoir Lors Des Vendanges 0:37
26. Monique Cessot - Les Voulez-Vous Connaître, Les Enfants Sans Soucis ? 2:12
27. Bertrand Appaire;  Pierre Appaire;  Pierre Gerbaud - Valse Du Père Cadet 1:44

Jean-Marie Jarillot

Disque 5 Sud-Ouest (1939-2006)
1. Chanteurs de Came - De Paris Dans Paris 3:08
2. Fifres et Tambours de Gans - Marche Des Boeufs 1:51
3. Marie Mirou - Las Femnas De Pel Pueg 2:31
4. Félix Trébosc;  Gaston Soulié - Les Garçons Mariniers 2:20
5. Gilbert Garrigoux;  Marcel Lavergne - L'aiga De Rocha 1:30
6. Félix Trébosc - La Calhe De La Calhe 1:02
7. Célina Naujac - Cocut Ent As Jagut ? 0:18
8. Angès Lagarrigue - Lo Cocut Es Mort 1:15
9. Marcel Najac - Imitations D'oiseaux 1:41
10. Charles Alexandre;  Louis Mas - Mon Père A Des Blancs Moutons 2:34
11. Lucette Celariès - Apel De Las Fedas 1:03
12. Aubestin Casaux;  Aubestin Cauhapè;  Jean Cauhape;  Suzanne Casaux - Dijous Gras Qu'a Nau Motons 1:19
13. Pierre Lasséville - Rondeau 2:12
14. Groupe Perlinpinpin;  Léa Saint-Pé - Rondeau 2:25
15. Marcel Boué - Enguan Jo Me Soi Maridat 0:44
16. Henri Dauba - Rondeaux 2:31
17. Bastien Miqueu;  Bernard Miqueu - Era Cancon De Granger 4:28
18. Jeanty Benquet - Congo 1:06
19. Jean Nadau - Congo 1:58
20. Félicien Beauvier - Se Io Sabiai Volar 1:31
21. Hélène Lassort - L'autre Jour En Me Promenant 4:30
22. Hermine Calastrenc - Som Som 0:25
23. Louis Farrand;  Rémy Farrand - De Sur Le Pont De Nantes 5:22
24. Marcel Bacou - Lo Buta-Vam 1:22
25. André Arnal;  Raymond Hébrard - Lectio Epistolae 0:40
26. Armand Quercy - L'amolaire 1:11
27. Marcelle Apiou;  Pauline Lafforgue - Mimologisme Du Poulet 0:18
28. Aubertin Cauhapé - Enter La Rocha E Cotras 3:10
29. Joseph Caux - Bourrée De Bethmale 1:09
30. Serge Parisotto;  Simon Soulé-Crabérou;  Stéphane Chétrit - Maudit Sia L'amor 2:47
31. Eugène Lou Poeuyau;  Jean Passimourt - Fotetz Me Lo Camp Canalhas 2:08
32. J. Meltxor;  Mattin - Bertsolaris 2:01
33. Arnaud Etxahun;  Mathieu Etxahun - Adios Izar Ederra 1:53
34. Mascarade Souletine 1:33
35. Jean "Ganizon" Bergara - Sortu Naiz Iparrean 5:36

Fidres et Tambours de Gans

Disque 6 Méditerranée (1935-2003)
1. Odette Blanc-Gras - Le Rossignol De L'amérique 4:05
2. Emile Escalle - La Débraillée De Laye 1:12
3. Milou Liotard - Rigodon 0:47
4. Marie Victoria-Chazel - Amusez-Vous Fillettes 3:50
5. Marinette Volpilière - Tout En Me Promenant Le Long D'une Prairie 3:55
6. George Partainer - Taisson 1:01
7. Cigales Et Troupeau En Drôme Provençale 1:08
8. Emile Lantelme - Pilhate-Voi Bela Quelh Macolin 2:39
9. Choeur des Dames d'Âge du Village - Bacchuber 1:50
10. Auguste Fourrat - Je Me Suis Fait Une Maîtresse 3:03
11. André Fabre; Marius Fabre - Air Du Défilé De La Bravade De Saint-Tropez 0:39
12. Gabriel Larose - La Farandole 0:20
13. André Fabre; Marius Fabre - Farandole 1:07
14. Gabi;  Mamie C.;  Monique;  Odile - Les Métiers Dans Les Rues De Marseille Et La Pratique Du Chant 1:42
15. Emmanuel Barrus - Commençons La Semaine, Qu'en Dis-Tu Cher Voisin ? 1:49
16. Groupe des Sivlaires - Quando Ti Vedo Te 3:54
17. Catarina Philip - Par Mon Chemin Je Rencontrais... 4:59
18. A. Martini & des habitants de Limone - Tutti Mi Chiamano Bionda 1:48
19. Soleares 1:38
20. Thérèse Farre - Le Lundi De La Pentecôte 2:31
21. Marche De L'académie Jouée Au Hautbois Languedocien 1:26
22. Raymond Figuière - Adieu Paure Carnavas 0:18
23. Orchestre des Fécos - Tour Lors Du Carnaval De Limoux 2:41
24. André Taieb - Kol Manahot 1:17
25. Coblia Cortie-Mattes - Mosaique Roussillonnaise 3:04
26. Cobla Catalane - La Bernadeta De Lourdes 12:45

Emile Escalle

Disque 7 Alpes, Nord et Est (1930-2006)
1. Cesarina Gérard;  Maria Glarey;  Romana Glarey - J'ai Fait Une Maîtresse 2:31
2. Giuseppe Gérard;  Pacifico Perret - Salla De Carnaval 1:25
3. Group D'habitants De Bessans - Dans Notre Village 1:17
4. Orchestre Champêtre De Samoëns - La Charmeuse 1:19
5. Eugène Perrin Bonnet;  Raymond Grospellier - Les Conscrits Dans Le Haut-Jura 1:14
6. Aymé Pommatau;  Michel Mignot;  Raymond Guillemot - Chants Et Marche De Conscrits En Bresse 1:34
7. Paul Lambert - Les Conscrits De Morvaél 1:10
8. Groupe des Conscrits de Montvalezan - Les Conscrits De La Toussaint 2:51
9. Julien Salamin - Quand J'etais Petite Fille 2:06
10. René Joly - Quadrille D'héry 4:20
11. Maurice-Philippe "Philo" Avrillier - C'etait Un Plafonneur 3:23
12. Cesare Petigat;  Nestor Petigat;  Teresio Petigat;  Virgilio Petigat - Me Dze Si Eunna Tsanson 1:13
13. Charles Condamin - Dans La Cour D'un Palais 1:38
14. Groupe D'habitants Du Village;  Louis Reppellin - La Collecte Des Oeufs Et Chant De Mai 1:22
15. Mme Marchal - Polka De La Haie Griselle 1:04
16. Virgile Fluhr - 'S Pittele 3:00
17. Eugénie Schercousse - En'k Gungen Lestmaal Aan Het Jagen Uut 2:15
18. Ignace Krczezinsky;  Valentin Klopocki - Okraglak 1:13
19. Mme Guillemant - Les Cordonniers Sont Pires Que Des Evêques 1:27
20. Raymond Marchand - Djan Ponsad 0:30
21. Enfants de Remouchamps - Quêtes De L'epiphanie 1:11
22. Philomène Gehlen - Les Misères Du Mariage 3:20
23. Airs Et Tambours Des Gilles De Binche 8:02
24. Pierre Morin - La Conduite 2:26
25. Naima Bouchakour - Petit Capitaine Revenant De Guerre 1:22
26. Chorale de la Solidarité Aveyronnaise - Noël De Requista 1:54
27. Madeleine Grey - Bailero 4:12
28. Antoine Bouscatel;  Jean Sanit;  Léon Célestin Guéniffet - Marche Nuptiale D'auvergne 2:46
29. Jean Bergheaud - J'etais Gosse 0:37
30. Jean Bergheaud - La Morolhada 1:17
31. Jean Bergheaud - Bourrée A Gustou 0:50
32. Georges Cantournet;  Marcel Bernard;  Mme Couderc - Doucement 2:49
33. Emile Vacher;  Gusti Malha;  Jean Peyronnin;  Les Inconnus - Mado 2:42
34. Orchestre Musette De La Boite À Matelots - C'est Sa Java 2:59
35. Guerino;  Orchestre Musette De La Boite À Matelots - Brise Napolitaine 2:43

René Joly

Disque 8 Corse (1916-2009)
1. François Bianconi - L'alcudina 1:53
2. Andria Olivi;  Anton-Marcu Campana;  Tumasgiu Cipriani - Vuleria Chi La Mia Pelle 2:02
3. Anghjula Potentini - Brindisi 0:34
4. Don Mathieu Giacometti;  Jean-Benoît Mariani - Salute Amati Sposi 2:00
5. O. Veyrune; Jean-Benoît Mariani - Voceru Di Paduva Maria 4:47
6. Pierre Grimaldi - A Morte Di Filicone 4:27
7. Joseph Figarelli - Suite D'airs A Danser 6:12
8. Confrérie de Patrimonio - Suda Sangue 2:46
9. Rite Grec A Cargèse, Lors De La Semaine De Pâques 2:50
10. Mariano Alfonso - Perdono Mio Dio 2:03
11. Antoine Luiggi;  Jacques-Philippe Luiggi - Carillonneurs Lors Des Rencontres De Cloches De Pioggiola 1:45
12. Jean Toussaint;  Jean-Benoit Moretti;  Jules-François Rocchi;  Pierre Oppisi - Credo 3:49
13. Sébastien Colombani - Valse Du Village De Prato Di Giovellina 1:07
14. Andria Olivi;  Anton-Marcu Campana;  Tumasgiu Cipriani - Padre 5:29
15. Pierre-André Colonna - A Pedina 1:29
16. Chants Electoraux A Pero-Cosevecchie 4:22
17. Ange Grisoni - Tribbiera 1:27
18. Sauveur Susini - Solo De Flûte Pirula 1:00
19. Troupeau Ensonnaillé 0:44
20. Carlu Parigi;  Roccu Mambrini - Chjama E Rispondi 4:32
21. Laurette Federici;  Laurette Rocchi;  Marie Rocchi - La Ricchezza Di La So Mammucia 2:38
22. M. Anfriani - Cantu Ghjunsanincu 1:35
23. Ange-Toussain Giordani;  Paul Orsoni - Nun Ti Scurda Di Me 2:57
24. Jean-Toussaint Rocchi;  Les Chanteurs De Rusio - Dio Vi Salvi Regina 6:46

Anghjula Potentini

Disque 9 France d'Outre-Mer (1962-2007)
Mascareignes
1. Firmin Viry - Valé Valé Prété Moi Vo Fuzi 4:03
2. Firmin Viry - Le Séga, C'est Lepetit Frère Du Malaya 0:15
3. Orchestre Toussaint De Sainte-Rose - Séga Taquet 2:42
4. Géroze Barivoitse;  Irène Barivoitse - Namsido Si La Bi Na Bair 1:39
5. Claudine Larose;  Josette Raffaut;  Roméo Menier - Pomm' D'amour Rouge 0:31
6. Gervais "Bergé" Collet - Kotis 2:08
7. Claudine Larose;  Hisette Raffaut;  Roméo Menier - Compagnons De La Marjolaine 0:19
8. Musique Instrumentale De Procession A La Réunion 1:34
Mayotte
9. Ahmed Abdou - Chant D'appel A La Prière 2:12
Guyane
10. Forêt Amazonienne, Le Matin 1:44
11. Ilipe;  Moype;  Tatu;  Wilapile;  Yemiwa - Iwa Moyeupi 2:09
12. Anuya;  Jacky;  Kanavi;  Kwataka;  Mopea;  Tatu;  Wilapile - Pièce Tuka De La Suite Moyutule 1:19
13. Norina Sondreyou - Teuweki Damanteng 2:05
14. Les Ansyens;  Régine Ringuet - Manman Ma Gannyen Enmi O 1:03
Martinique
15. Biguine 3:10
16. Augustin Gourpil;  Casimir Griballiers;  Malcousu Florius;  Raoul Grivalliers - Mariwoz-O 2:29
Guadeloupe
17. Défilé De Mardi-Gras A Basse-Terre 1:57
18. Mano Robin - Notre Armateur Nous Cherche 1:42
19. Sonnerie De Cloches A Marie-Galante 0:37
20. Claudette Pelage;  Myrta Tancons - Quand Dieu Naquit A Noël 2:03
21. Alain Régent;  Guy Rospor;  Philippe Yéyé;  Thomas Baillif - Soulagé Do A Katalina 1:51
22. Alvène Grava;  Henri Barlagne;  Jacques Davillards;  Michel Davillars;  Pierre Abenzoar;  Pierre Modali;  Théoxilien Abezoar - Le Pantalon 2:10
Saint-Barthélémy
23. Léopold Blanchard;  Norbert Gréaux - Par Un Samedi Au Soir 4:33
Saint-Pierre-Et-Miquelon
24. Alain Orsini;  Robert Vigneau - Figue De Quadrille 2:58
Nouvelle-Calédonie
25. Thérèse Kouathé - Berceuse 0:32
26. Damwet Yanhunit;  Kaloonbat Farino - Ayoii 2:33
27. Tribu Des Wapâ - Danse De Kwenyii 3:34
Wallis & Futuna
28. Sutita Nau - Soko Mai Aso Lalasi 1:40
Polynésie Française
29. Georges Teikiehuupoko - Mahau 0:23
30. Paroissiens de Parea - Himene 1:16


Firmin Viry

Disque 10 Français d'Amérique (1928-2004)
1. Isom Fontenot - La Banane A N'onc Adam 1:16
2. Dewey Balfa;  Rodney Balfa;  Will Balfa - J'ai Fait L'amour Chez L'onc Bab 3:42
3. Lederie Saint-Cœur - Reel Turlutté 0:50
4. Aimé Gagnon;  Cécile Gagnon - Reel Malouin 2:03
5. Allan Kelly - Marguerite Est Dans Sa Chambre 4:17
6. Louis Boudreault - La Grande Gigue Simple 3:11
7. Bee Deshotels - Aux Natchitoches 1:35
8. Alphonse "Bois Sec" Ardoin;  Canray Fontenot;  Rodney Balfa - Bonsoir Moreau 2:08
9. Alfred Vanderite - I Went To Market 1:02
10. Arthur Renard - N'av Nen Veyu Mi P'tit Musicyin ? 2:12
11. Alma Barthelemy - Par-Derrière Chez Mon Père 2:39
12. Irène Arsenault - Les Poutines Dans L'potte 0:18
13. Delphine Arsenault;  Zélie-Anne Poirier - Le Reel A Joe Bibienne 2:06
14. Caesar Vincent - En Arrière De Chez Mon Père 2:27
15. Azade Benoît - Reel 0:35
16. Lawrence Keplin - C'est Dans Le Premier Jour De L'an 1:50
17. Fred Pike;  Simon St. Pierre - The Cuckoo's Nest 1:48
18. Guy Bouchard;  Jean-Paul Guimond;  Paul Marchand - Par Un Dimanche Au Soir 2:21
19. Alphonse Morneau - Les Petits Saint-Pierre Sont Plus Riches Que Les Evêques 2:14
20. Gertrude Tremblay - Brandy 1:06
21. Joseph Larade - Derrière Chez-Nous Il Y A Un Joli Bocage 2:40
22. Aldor Morin;  Bob Hill;  Edgar Morin;  Gérard Delorier;  Jean Carignan;  Madame Richard - Danse Carrée 2:43
23. Aldéric Perreault - Nous Sommes Trente-Trois, Tous Voleurs D'une Bande 1:48
24. Donat Lafleur;  Isidore Soucy - Marche De La Tuque 2:28
25. Cléoma Breaux-Flacon;  Joseph Falcon - Allons A Lafayette 2:59
26. Basilice Godin - Nous Sommes Partis Trois Jeunes Frères 4:52
27. Frank Starmberg;  Fraser Blair;  Hervé Blair - Calédonia, Quatrième Partie 1:40

Alfred Vanderite

lundi 28 mars 2016

La Barbe ! (série en cours, volume 4)

Où l'on continue notre exploration des plus capilairement virils de nos musiciens préférés, et sous le patronage de Ra Ra Raspoutine... Ca promet d'être saignant ! Enjoie !

BaRBéRoTiQue
Sébastien Tellier "Sexuality" (2008)
ou "Daft Seb"

Quand la plus belle barbe de la pop française, Sébastien Tellier évidemment !, s'allie à la moitié de Daft Punk, Guy-Manuel de Homem-Christo, ça donne un album de synth-pop fier de ses poils et de ses pulsions, le bien nommé Sexuality. Et on peut dire que les deux compères se sont fait plaisir réussissant, en partant d'une formule limitée, à offrir un album riche de moult flaveurs différentes, toutes aussi rondement menées les unes que les autres. Ainsi retrouve t'on une synth-pop relativement classique (héritière de Kraftwerk et des premiers "Nouveaux-Romantiques") sur Roche, Kilometer, Look ou Fingers of Steel mais aussi de la pure pop où le background électro passe au second plan d'une entêtante mélodie (Divine), un genre de porno-chic discoïde (Pomme), un machin absolument délectable qu'on croirait tout droit sorti du Discovery de Daft Punk (Sexual Sportswear), ou un Manty qui, je ne sais pas pourquoi, les paroles en italien, le ton de Tellier, la progression harmonique, va savoir, me fait penser à une version "machines" d'Angelo Branduardi, aussi étonnant que satisfaisant, et bien sûr le presque progressif, assez Daft-Punkien aussi d'ailleurs, L'Amour et la Violence et son très réussi fade-out électro-sensible, extra ! Et tout ça, avec toujours une atmosphère sexuellement chargée (c'est le thème de la galette, c'est bien transcrit), nous donne un opus qui, en plus !, porte bien ses déjà 8 ans et résiste bien aux écoutes successives (parce que c'est plus riche que ça n'en a, à première vue, l'air). Sexuality ? Un succès, tout simplement.

1. Roche 5:01
2. Kilometer 4:18
3. Look 4:34
4. Divine 3:08
5. Pomme 3:31
6. Une heure 3:51
7. Sexual sportwear 7:17
8. Elle 4:37
9. Fingers Of Steel 5:15
10. Manty 3:31
11. L'Amour et la Violence 5:22

SEBASTIEN TELLIER

ReGGae BaRBe
Matisyahu "Youth" (2006)
ou "Hassidic Riddims"

Vu de loin, Matisyahu et son "reggae kasher" pourraient être vus comme un "novelty act" de plus, un machin qui après un hit surprise (King Without a Crown sur l'album de 2005, Shake Off the Dust... Arise, opportunément repris dans une version revue et corrigée sur le présent) était voué à disparaître son attrait particulier évanoui avec la surprise de sa nouveauté. Et puis Youth, un second opus qui surfe bien sur le succès de son devancier, en élargit le spectre même, alors il faut prendre Matthew Paul Miller, son vrai nom, au sérieux. Parce qu'avec un bon groupe dévoué à son reggae à lui (Roots Tonic, un trio pour aller à l'essentiel), entre deux traditions, celle de Bob et celle de David, le chemin tracé par cet outsider fièrement barbu, qui est tombé dans la musique en devenant fan des post-hippies jammants de Phish, est un bienvenu courant d'air frais dans un reggae aux chapelles trop séparées et souvent limitées par leur propres règles respectives. Ce dont Matisyahu n'a cure, embarquant tout ce qui lui plait, qui vient surtout du reggae, du ragga et du dub mais aussi du rock qui l'a tant marqué dans sa jeunesse et évidemment de racines juives si chères à son cœur, pour un cocktail qui n'appartient qu'à lui. On ne niera pas que l'album manque parfois d'immédiateté, que la réécoute sera nécessaire pour certaines des pièces les plus expérimentales (celles où on sent le plus l'influence du producteur, Bill Laswell, et son goût pour le dub cosmique) mais  se rassurera parce qu'il regorge de moult vraies belles réussites (l'intime et épuré What I'm Fighting For, Dispatch the Troops avec son petit air de The Police, par exemple) en excellentes portes d'entrées dans l'univers de l'homme. Bref, si vous aimez le reggae pas comme les autres, ni roots ni digital mais son propre animal, Youth, et plus généralement toute la discographie de Matisyahu, mérite le détour.

1. Fire of Heaven/Altar of Earth 3:59
2. Youth 4:18
3. Time of Your Song 4:27
4. Dispatch the Troops 4:05
5. Indestructible 4:09
6. What I'm Fighting For 2:11
7. Jerusalem 4:00
8. WP 3:58
9. Shalom/Saalam 1:06
10. Late Night in Zion 3:13
11. Unique is My Dove 3:24
12. Ancient Lullaby 4:18
13. King Without a Crown 3:42

Matisyahu—vocals
Roots Tonic—music (Aaron Dugan: guitar, Josh Werner: bass and keys, Jonah David: drums)
Marlon "Moshe" Sobol —guest musician on "WP"
Stan Ipcus—guest musician on "WP"
Yusu Youssou—guest musician on "Shalom/Saalam" and "Ancient Lullaby"

MATISYAHU

e'S BeaRDeD
Eels "Souljacker" (2001)
ou "Eels, le groupe"

Si Souljacker est le 4ème album de Mark Oliver Everett sous le nom de Eels, c'est aussi le premier album de Eels en tant que vrai (presque) groupe avec, certes, un vrai patron à la barre mais aussi de créatifs lieutenants en particulier John Parish (repéré précédemment chez P.J. Harvey ou Goldfrapp) également coproducteur de l'exercice, mais aussi de Kool G Murder, compagnon de toujours du barbu au petit chien blanc dans son entreprise poissonneuse, bref, une première chez nos Anguilles électroacoustiques d'habitude si E-centrées. La conséquence de cet élargissement sur le son des indie-rockers ? Un son globalement plus lourd et gras que jamais avant, sans qu'on perde de vue le groupe d'avant parce que les maniérismes mélodiques d'Everett continuent de constituer l'élément décisif du groupe.  Mais tout de même, avec un Dog Faced Boy tout en saturation et fuzz, un That's Not Really Funny, un Souljacker Part 1, un Teenage Witch, un Jungle Telegraph, ou la saillie finale, What Is This Note?, jamais Eels n'avait été aussi affreux sale et méchant. Mais que les fans de monsieur E se rassurent, le reste est nettement plus voisinant de leurs habitudes auditives, et tout aussi réussi !, avec une influence Tom Waits reconduite et même étendue (on valide, il le fait bien !) et toujours cette recherche constante de la petite surprise d'arrangement qui enrichit tellement le propos et cet art de pondre de la chanson douce entêtante et maline (Fresh Feeling ici). On notera aussi que Souljacker est, et restera longtemps, l'album le plus franchement optimiste d'Everett, et pas sa moindre réussite... Recommandé.

1. Dog Faced Boy 3:17
2. That's Not Really Funny 3:19
3. Fresh Feeling 3:37
4. Woman Driving, Man Sleeping 3:30
5. Souljacker part I 3:15
6. Friendly Ghost 3:22
7. Teenage Witch 4:44
8. Bus Stop Boxer 3:42
9. Jungle Telegraph 3:39
10. World of Shit 3:29
11. Souljacker part II 1:58
12. What Is This Note? 2:28

Butch – Drums and percussion
E – Vocals, guitar, baritone guitar, piano, clavinet, Mellotron, and Wurlitzer organ
Joe Gore – Guitar
Koool G Murder – Synthesizer, bass guitar, guitar, clavinet
John Parish – Guitar, percussion, drums, keyboards, melodica, and stylophone
Adam Siegel – Bass guitar

MARK OLIVER EVERETT (E)

FLyiNG BeaRD
Terry Riley "Poppy Nogood and the Phantom Band All Night Flight" (1968)
ou "Poppy SOgood"

Si le minimalisme le plus échevelé ne vous fait pas peur, que l'expérimentation vous réjouit, la pièce ici présente devrait vous ravir au plus haut point. Enregistré à Buffalo (état de New York) le 22 mars 1968, c'est ce qu'il est convenu un album d'ambient drone soit une musique abstraite dont les résonnances et vibrations oniriques sont censées produire l'effet émotionnel souhaité par le performer/compositeur (une sorte de transe mystique ici, à mon avis). Ainsi, il faudra à l'auditeur mettre son cerveau au vestiaire et se laisser emporter par ces longues et faussement répétitives plages (qui n'en forment en fait qu'une grande) pour qu'une efficacité maximale soit atteinte. Pour parvenir à ce bel effet et à une oeuvre contemplative jusque dans ses abstractions, Terry Riley a recours à un orgue, un saxophone et des boucles qu'il génère lui-même et relaie via un sampler archaïque (le time-lag accumulator) conférant à ses sons une portée quasiment orchestrale, parfois orientalisante (une trademark de Riley) et toujours contemplative. Très en avance sur son époque et donc toujours d'une vibrante actualité, Poppy Nogood and the Phantom Band All Night Flight, au-delà de la fantaisie de son titre, est une intense expérience que tout amateur de musique contemporaine/avant-gardiste et même (free) jazz se doit de vivre. Une perle.

1. Untitled #1 8:21
2. Untitled #2 8:57
3. Untitled #3 8:30
4. Untitled #4 8:25
5. Untitled #5 6:07
(pas d'extrait, tentez le trip !)

Terry Riley; saxophone soprano, orgue, time-lag accumulator

TERRY "Père Noël" RILEY

BaRBaJaZZ
Thelonious Monk "Underground" (1968)
ou "Jazz Resistance"

Dernier album de son quartet historique, avec Charlie Rouse ! (mais pas sur tous les morceaux à cause d'une absence autorisée sur une des sessions pour se rendre aux obsèques de son père), Underground est aussi, hélas, le presque ultime original et dernier vrai bon album, Monk's Blues, quelques mois plus tard, sera une énorme déception, d'un Thelonious Monk à l'équilibre mental de plus en plus instable. Présentement, avec quatre nouvelles compositions de tout premier ordre, une cover bien troussée (la belle ballade Easy Street et sa jolie performance du contrebassiste Larry Gales à l'archet) et deux beaux recyclages exhumés de son catalogue passé (Thelonious et In Walked Bud bien vocalisé par le méconnu Jon Hendricks), et donc avec son beau quatuor tellement taillé sur mesure pour son jazz à la fois sensible et savant, Monk délivre une merveille d'album. Une merveille d'album où il continue de surprendre, proposant présentement sa première valse avec le charmant Ugly Beauty, un petit blues ludique au thème savamment dissonant (Raise Four), ou un morceau où il continue d'étendre ses possibles harmoniques ici vers la musique contemporaine sans rien perdre de son swing cependant (Boo Boo's Birthday). Et donc, avec une captation parfaite (on y est, vraiment !), une pochette à nulle autre pareille (Monk en résistant contre l'envahisseur nazi, rien que ça !), c'est à un dernier tour essentiel dans l'œuvre d'un authentique génie auquel nous sommes conviés, une opportunité rare qui ne se refuse pas... Welcome to the Underground.

1. Thelonious (Take 1) 3:13
2. Ugly Beauty (Take 5) 3:17
3. Raise Four 5:47
4. Boo Boo's Birthday (Take 11) 5:56
5. Easy Street 5:53
6. Green Chimneys 9:00
7. In Walked Bud 4:17
Bonus
8. Ugly Beauty (Take 4) 7:39
9. Boo Boo's Birthday (Take 2) 5:35
10. Thelonious (Take 3) 3:10

Thelonious Monk – piano
Charlie Rouse – tenor saxophone
Larry Gales – bass
Ben Riley – drums
&
Jon Hendricks
– vocals on "In Walked Bud"

THELONIOUS MONK

BaRBe RuSSe
Modest Mussorgsky "Pictures At An Exhibition, A Night On Bald Mountain and Other Russian Showpieces" (1957)
ou "The Big Russian Show"

Faut-il vraiment avoir à "vendre" un enregistrement de Grands Classiques de la musique classique Russe par Fritz Reiner et le Chicago Symphony Orchestra ? Parce qu'il est de 1957 et que les audiophiles peuvent, du fait de son âge, craindre ne pas avoir leur contentement stéréophonique ? Peut-être bien mais pas de crainte de ce côté là, la prise de son maniaque pour le label RCA Victor, en "Living Stereo" comme c'est précisé sur la pochette (quoique que ce soit) offre un parfait écrin aux extravagances de quelques fameux compositeurs dont une star truste, avec deux imposantes et universellement reconnues partitions, les Tableaux d'une Exposition (15 miniatures dans tous leurs états qui firent le bonheur des progueux de ELP dans les 70s) et la Nuit sur le Mont Chauve (une bacchanale magique que chacun connaît ne serait-ce que par le classique de Walt Disney, Fantasia), du tonitruant Modeste Moussorgski. Comme c'est d'un programme "all-star" dont il s'agit, la liste ne se limite pas à ce fameux barbu, non, on a droit à quelques pièces de figures populaires (Tchaikovsky et Borodin) mais aussi d'autres moins familières (Kabalevsky et Glinka) pour autant de satisfaisantes expériences de "Montagnes Russes" (les slaves ont toujours eu le chic pour le mélodrame flamboyant, quelque soit l'art auquel ils s'attelaient), parfaitement interprétées et captées. Voilà, on ne devrait pas à en dire plus sur un excellent programme introductif, le simple fait qu'il soit toujours dans les références de son label près de 60 ans après son enregistrement est une ultime certitude qu'il y a là de quoi se réjouir. Recommandé.

Modest Mussorgsky
Pictures At An Exhibition
1. Promenade  1:51 
2. Gnomus  2:34 
3. Promenade  1:05 
4. Il Vecchio Castello  4:27 
5. Promenade  0:34 
6. Tuileries  0:59 
7. Bydlo  3:25 
8. Promenade  0:44 
9. Ballet Of The Chicks In Their Shells  1:12 
10. Samuel Goldenburg And Schmuyle  2:13 
11. The Marketplace At Limoges  1:17 
12. Catacombae, Sepulchrum Romanum  1:56 
13. Con Mortuis In Lingua Mortua  1:59 
14. The Hut On Fowl's Legs  3:28 
15. The Great Gate At Kiev  5:15 
Piotr Ilitch Tchaikovsky
16. Marche Miniature (From Suite No. 1 In D Minor, Op. 43) 2:05 
Modest Mussorgsky
A Night On Bald Mountain
17. A Night On Bald Mountain  10:14 
Alexander Borodin
18. Prince Igor: Polovtsian March 4:48 
Piotr Ilitch Tchaikovsky
19. Marche Slave 10:29 
Dmitri Kabalevsky
20. Colas Breugnon, Op. 24: Overture 4:48
Mikhail Glinka
21. Russlan And Ludmilla: Overture 5:19 

Fritz Reiner and the Chicago Symphony Orchestra

MODESTE MOUSSORGSKI

BaRBe-MéMoiRe
Wadada Leo  Smith "Ten Freedom Summers" (2012)
ou "Wadada sur son clairon"

Il fallait bien la petite note d'humour du titre pour détendre l'atmosphère parce que même s'il possède d'énoooormes qualités, c'est entendu, le Ten Freedom Summers de Wadada Leo Smith est tout sauf une ode à la légèreté... En l'occurrence, le thème (les droits civiques) comme la manière (du free jazz flirtant avec la musique contemporaine) et la durée (4 cds glorieusement roboratifs) vous embarquent dans un monde pas forcément très facile d'accès mais extrêmement gratifiant pour celui qui saura y pénétrer et, donc, en appréhender la profondeur, la puissance, la beauté. Pas facile parce qu'il aura mieux valu avoir été roué à une gamme mélodique, à une manière compositionnelle sortant notablement de l'ordinaire par des explorations précédantes pour ne pas se sentir un tout petit peu perdu. Pas facile, aussi, parce que ces longues plages tortueuses et passionnées, enchaînant improvisations échevelées et passages "en contrôle", ne se livrent pas comme la première chanson pop venue ; elle s'amadouent, s'apprivoisent telles les créatures sauvages et complexes qu'elles sont et en dérouteront plus d'un dans l'entreprise. Pas facile, enfin, parce qu'à l'évidente qualité s'ajoute l'impressionnante quantité, parce que ces quatre heures et demie sont d'une rare densité expliquée sans peine par le fait que Wadada livre ici une œuvre somme qu'il gamberge depuis plus de drois décennies. Pour toutes ces raisons, Ten Freedom Summers est une oeuvre terrifiante autant que passionnante, d'abord ardue et finalement valorisante qu'on ne conseillera certes pas à toutes les oreilles mais qui ravira, sans l'ombre d'un doute, tant les amateurs de musique contemporaine libre que ceux qui s'adonnent volontiers à un jazz qui ne l'est pas moins. Pour ceux-ci, ainsi que pour tous ceux pour qui la musique est plus qu'un bruit de fond rythmant la routine du quotidien, l'objet aura une conséquente force d'attraction et méritera toutes les louanges. En un mot comme en mille : vertigineux !

CD 1
1. Dred Scott, 1857 11:48
2. Malik Al Shabazz and the People of the Shahada 5:15
3. Emmett Till: Defiant, Fearless 18:02
4. Thurgood Marshall and Brown vs. Board of Education: A Dream of Equal Education, 1954 15:05
5. John F. Kennedy's New Frontier and the Space Age, 1960 22:08

CD 2
1. Rosa Parks and the Montgomery Bus Boycott, 381 Days 12:43
2. Black Church 16:35
3. Freedom Summer: Voter Registration, Acts of Compassion and Empowerment, 1964 12:34
4. Lyndon B. Johnson's Great Society and the Civil Rights Act of 1964 24:12

CD 3
1. The Freedom Riders Ride 16:40
2. Medgar Evers: A Love-Voice of a Thousand Years' Journey for Liberty and Justice 10:07
3. The D.C. Wall: A War Memorial for All Times 12:17
4. Buzzsaw: The Myth of a Free Press 15:03
5. The Little Rock Nine: A Force for Desegregation in Education, 1957 13:49

CD 4
1. America, Pts. 1, 2 & 3 14:11
2. September 11th, 2001: A Memorial 9:39
3. Fannie Lou Hamer and the Mississippi Freedom Democratic Party, 1964 8:36
4. Democracy 14:30
5. Martin Luther King, Jr.: Memphis, the Prophecy 20:34

Wadada Leo Smith: trompette
Jim Foschia: clarinette
Larry Kaplan: flute
Anthony Davis: piano
John Lindberg, Tom Peters: basse
Pheeroan AkLaff, Susie Ibarra: batterie
Lynn Vartan: percussions
Alison Bjorkedal: harpe
Lorenz Gamma, Shalini Vijayan: violon
Peter Jacobson: violoncelle
Jan Karlin: viola

WADADA LEO SMITH

jeudi 24 mars 2016

2015 par 12 (12 mois, 14 albums)

Retour sur 2015 via une sélection mensuelle qui n'est donc pas "les meilleurs albums de 2015" mais bien "un album sorti chaque mois de 2015", vous voyez la nuance ? Bref, j'ai un peu triché en en ajoutant deux de plus mais le Björk en deux chapitres méritait d'être ainsi proposé et je ne me résolvais pas à éliminer l'un des deux albums "short-listés" pour septembre. Et donc, 14 albums, des recyclages (avec leur PS de circonstance) et de nouvelles propositions, pour une année qui valut la peine d'être vécue malgré les pertes et les horreurs dont nous n'avons, hélas, que trop l'habitude. Enjoie.

JaNVieR
Björk "Vulnicura"
ou "Au Pays des Elfes"

En janvier 2015, l'islandaise la plus connue de l'univers (je veux bien parier que les aliens l'écoutent aussi !), sort son 8ème album solo officiel (c'est à dire sans compter l'oddity de 1977, quand elle n'avait que 12 ans ou son album jazz, Gling-Gló, 1990), il s'appelle Vulnicura et, bonne nouvelle !, c'est son meilleur depuis longtemps ! Et pourquoi ? Parce qu'il repose sur ce fragile, instable équilibre entre émotion et expérimentation, juste sur la tranche, sur le fil, comme le fut en son temps un Post qui demeure une des plus belles pages de la discographie de l'elfique islandaise. Ici Björk y est, exprimant les tourments de son âme via de déchirantes mélopées glorieusement emballées de leur écrin fantastiquement à la marge. En beats, en cordes et en voix, une solide équipe de session-men pour y parvenir (on est revenu des pléthores de guests de certains opus passés, Medúlla par exemple, seul Antony (d'and the Johnsons) intervient sur le déchirant Atom Dance), miss Guðmundsdóttir, mère de famille désormais presque cinquantenaire, "fait le métier" avec toute la sensibilité de ses plus belles pièces. Enregistré au pays, avec un casting essentiellement du cru, Vulnicura ne révolutionne pas l'œuvre de Björk, ça fait quelques années et quelques albums qu'on (et qu'elle) a fait le tour des possibles, que le nouveauté n'est plus qu'une donnée marginale de l'appréciation de sa musique. De fait, Vulnicura n'est pas un album d'ouverture ou de révolution, à part intime puisque c'est un album de rupture, et ne fait pas autre chose que pérenniser un équilibre, ici idéal, entre prospective et émotion où, plus que jamais, Björk s'affirme comme l'artiste féminine (et "une des", tous sexes confondus) la plus intéressante de ces 20 dernières années au moins (avec pourtant une concurrence sévère faite de Fiona Apple, Kate Bush, Tori Amos, PJ Harvey et autres Joanna Newsom, en en oubliant évidemment beaucoup). Avec Vulnicura (et son pendant "débeaté") Björk est surtout une musicienne dans la plénitude de son art, sûre de son fait mais aussi suffisamment fragile et sensible pour éviter l'arrogance (vous savez, celle qui fait faire des albums, excellents au demeurant, réservé à une minuscule portion de mélomanes, comme ceux d'un Scott Walker revenu par exemple). Quand en plus les mélodies sont au rendez-vous, et l'émotion avec, ça donne Vulnicura, et ça rime avec hourrah !

1. Stonemilker 6:49
2. Lionsong 6:08
3. History of Touches 3:00
4. Black Lake 10:08
5. Family 8:02
6. Notget 6:26
7. Atom Dance 8:09
8. Mouth Mantra 6:09
9. Quicksand 3:45

Björk – vocals, programming
Arca – programming
The Haxan Cloak – programming
John Flynn (aka Spaces) – programming
Antony Hegarty – vocals on track 7
U Strings – strings
Choir
Ásta Ægisdóttir
Auður Albertsdóttir
Ásdís Björg Gestsdóttir
Ásdís Eva Ólafsdóttir
Bergljót Rafnar Karlsdóttir
Drífa Örvarsdóttir
Elín Edda Sigurðardóttir
Erla María Markúsdóttir
Fífa Jónsdóttir
Gígja Gylfadóttir
Gígja Haraldsdóttir
Guðrún Matthildur Sigurbergsdóttir
Sigrún Ósk Jóhannesdóttir
Unnur Sigurðardóttir

BoNuS (11/2015)
Björk "Vulnicura Strings"
ou "Elfe en Cordes"

Vulnicura avait convaincu, Bjôrk décide de l'épurer, de le déshabiller pour une version encore plus organique, encore plus émouvante. Ca s'appelle, en toute logique à l'écoute, Vulnicura Strings et c'est essentiellement (outre une version instrumentale de Black Lake en final) le remix de l'album que vous devez ou devriez connaître (parce que c'est le meilleur de l'islandaise depuis... longtemps !) retranché de ses beats et machins électroniques mettant ainsi encore plus en valeur ses portions cordées et vocalisées et, donc, les arrangements d'icelles dont la Guðmundsdóttir est évidemment l'auteure. Dire que ça change tout serait largement exagéré, on retrouve et reconnaît bien l'album sorti 10 mois plus tôt mais, de fait, on apprécie la version "à la bougie" dont on pourra, recueilli dans une semi-obscurité, apprécier les extraordinaires nuances. Bref, Vulnicura Strings est un parfait compagnon de son devancier, aurait même pu être "fourni" dans une hypothétique version "Deluxe" qu'on n'aurait pas trouvé à y redire, et une addition donc recommandée à toutes celles et tous ceux qui ont su se laisser emporter par ses mélodies passionnées. C'est aussi, ce qui n'est pas rien, la réalisation que le futur de Björk pourrait bien se situer dans une musique instrumentale contemporaine qu'elle n'a jamais approchée de si près. Beau et utile, bravo.

1. Mouth Mantra 6:09
2. Lionsong 6:17
3. Black Lake 10:08
4. Atom Dance 7:46
5. Stonemilker 6:48
6. Quicksand 4:08
7. Notget 4:41
8. Family 6:59
9. Black Lake (Viola Organista Version) 10:55

Björk – vocals, arrangements
Antony Hegarty – vocals on track 4
U Strings – strings
Choir
Ásta Ægisdóttir
Auður Albertsdóttir
Ásdís Björg Gestsdóttir
Ásdís Eva Ólafsdóttir
Bergljót Rafnar Karlsdóttir
Drífa Örvarsdóttir
Elín Edda Sigurðardóttir
Erla María Markúsdóttir
Fífa Jónsdóttir
Gígja Gylfadóttir
Gígja Haraldsdóttir
Guðrún Matthildur Sigurbergsdóttir
Sigrún Ósk Jóhannesdóttir
Unnur Sigurðardóttir


BJÖRK

FéVRieR
Scorpions "Return to Forever"
ou "Un dernier tour et puis s'en va ?"

On les croyait parti, rangé des voitures, ayant plié les gaules mais non, les increvables teutons ne lâchent pas prise et reviennent avec un 20ème album studio, et le 50ème anniversaire de la toute première mouture de la formation (dont seul l'indéboulonnable Rudolf Schenker demeure), un album dont le titre laisse augurer qu'on est pas près de trouver le poison pour ces sales bestioles qui piquent : Return to Forever.
Pour dire l'entière vérité, peu avaient été convaincus par leurs précédentes exactions, Comeblack, mélange de reprises accessoires et de réenregistrements qui ne l'étaient pas moins, et Sting In The Tail, tentative un peu quelconque de recoller avec le son qui avait fait leur gloire dans la première moitié des 80s n'étaient pas exactement des chefs d'œuvres même s'ils se laissaient écouter (surtout Sting of the Tail). C'est dire si on attendait les Scorpions au tournant surtout quand ils annoncèrent que cet album comprenait pas mal de chansons jamais totalement finies par le passé jusqu'à cette double autocélébration de circonstance. Conséquemment, la peur d'un recyclage honteux et embarrassant était dans toutes les têtes, têtes qui n'avaient pas tout à fait tort même si le résultat est tout sauf pathétique (ouf !).
Concrètement, si on pourra reprocher aux Scorpions de se contenter de faire du Scorpions (vous vous attendiez à quoi ?), il le font plutôt bien. Evidemment, quand on dit "font du Scorpions" on pense aux albums des années 80, pas aux excellentes galettes des seventies dont le groupe ne s'est plus jamais rapproché depuis le départ du spatial Uli Jon Roth (qui d'ailleurs rend hommage à cette période sur le tout récent et réussi Scorpions Revisited, elle est pas belle la vie ?), soit un hard rock racé, accrocheur qui ne cherche, substantiellement, pas autre chose que de faire passer un bon moment à l'auditeur avec une musique absolument sans prise de tête. Alors certes, tout ceci n'est pas exactement affolant mais tient la route ce qui, quarante-deux ans après l'excellent mais souvent négligé Lonesome Crow (Scorps on Kraut !), n'est pas rien. Evidemment, bis, avec 16 titres et 62 minutes (diable !) dans son édition spéciale et "limitée", plus chère donc, y a pas de petit profit, ça traîne un peu en longueur, sans surprise surtout vers la fin où sont, en toute logique, relégués les morceaux supplémentaires, un petit tri ne sera donc pas inutile pour que la galette tienne la distance. Evidemment, ter !, il ne faudra pas trop plonger dans les paroles "fun et rock'n'roll" qui, si elles collent bien à la musique légère de la formation, n'ont qu'un maigre (pour rester positif) intérêt littéraire. Pas de surprise ? Certes mais quelques excellentes chansons : l'entraînant rock Going Out With a Bang en ouverture, pas une révélation mais une sympathique entrée en matière, le relativement soft et très 80s We Built This House qui n'aurait pas fait tâche sur Savage Amusement ou Crazy World, un All for One mordant et bien troussé, Eye of the Storm ou Gypsy Life où les germains nous rappellent qu'ils savent encore pondre de la power ballad à faire pleurer le chevelu dans sa bière, The Scratch tout en shuffle nerveux et guitares accrocheuses ou le bonus Dancing with the Moonlight aux riffs différents et efficaces qui produisent leur petit effet parce qu'ils se démarquent un chouia de leurs habitudes compositionnelles. Autour de ces quelques indéniables highlights, tout n'est pas rose, quelques rockers automatiques et un peu bêtas et franchement pas indispensables (Rock My Car, Rock'n'roll Band, Hard Rockin' This Place, que des titres d'une folle imagination) viennent ternir le tableau alors que le reste, pas désagréable, loin s'en faut, sent tout de même un petit peu le remplissage. Mais, l'un dans l'autre, le groupe, avec un état d'esprit bourré de bonne humeur étonnement similaire à celui qui l'habitait sur sa précédente offrande originale, Sting of the Tail donc, est loin de l'indignité de Pure Instinct ou, surtout, d'Eye II Eye, deux albums qu'on préfèrera oublier.
Alors, Scorpions en 2015, un vieux cheval sur le retour ou un fier destrier certes âgé mais encore fringant ? Les deux mon général !, mais tout dépend d'où l'on se place et ce qu'on recherchait dans Return to Forever. Les fans seront ravis de retrouver un groupe fidèle à son idiome, les autres n'y verront qu'une fin de règne certes pleine de pompe et d'énergie mais aucunement décisive. En un mot comme en mille, choisis ton camp, camarade !

PS (mars 2016) : C'est pas beau de vieillir mais, à ce petit jeu de massacre (parce que nos idoles sont rarement comme un bon vin), les queues-qui-piquent s'en sortent plutôt bien. Et puis, c'est promis, c'était le dernier (avant le live, la compilation, l'anthologie, le live du retour, la re-compilation, les morceaux rares, la re-re-compilation, etc.), alors merci pour vos services, messieurs, et merci pour ce final au moins pas indigne, c'est déjà ça !
 
1. Going Out with a Bang 3:47
2. We Built This House 3:53
3. Rock My Car 3:20
4. House of Cards 5:05
5. All for One 2:58
6. Rock 'n' Roll Band 3:54
7. Catch Your Luck and Play 3:33
8. Rollin' Home 4:03
9. Hard Rockin' the Place 4:06
10. Eye of the Storm 4:27
11. The Scratch 3:41
12. Gypsy Life 4:51
Bonus
13. The World We Used to Know 3:51
14. Dancing with the Moonlight 3:42
15. When the Truth Is a Lie 4:27
16. Who We Are 2:33

Klaus Meine - lead vocals
Rudolf Schenker - rhythm & lead guitars, backing vocals
Matthias Jabs - lead & rhythm guitars, backing vocals
James Kottak - drums, backing vocals
Pawel Maciwoda - bass, backing vocals

SCORPIONS

MaRS
John Zorn/Simulacrum "Simulacrum"
ou "Progressive Zorn"

Pour son cinquième album de 2015, John Zorn convoque un nouveau trio et lâche les chiens dans une fusion jazz metal qu'on n'avait plus croisé dans ses créations depuis... Une éternité !
Ceci dit, on sent la maturation du compositeur et de l'arrangeur dans cette nouvelle phase, ce nouveau trio composé d'un organiste (John Medeski, un habitué de la maison), d'un guitariste (Matt Hollenberg, repéré chez Cleric mais aussi les black doomsters d'Höllenlärm), et d'un batteur (Kenny Grohowski de chez Secret Chiefs 3 mais aussi du quatuor Abraxas exécutant de deux albums composé par Zorn), bref, un furieux trio assemblé tout sauf au hasard pour la circonstance. Et la maturation donc, on y revient, parce qu'on est tout de même loin des exactions chaotiques d'un PainKiller ou d'un Naked City, loin aussi des turbulences gothiques de Moonchild. Loin mais dans l'esprit parce que, indéniablement, ce Zorn là a la rage et sait merveilleusement la communiquer. Présentement, évidemment, l'orgue hanté de Medeski tient le centre de la scène mais se voit bien secondé par les riffs lourds et tranchants d'Hollenbeck et l'abattage rythmique façon "tir de barrage, pas de prisonniers" de Grohowski. Concrètement, en 6 compositions et 43 trop courtes minute (on en redemande !), les trois s'amusent audiblement beaucoup à prendre nos tympans pour des tambours de foire, à concasser nos gonades menu menu avec une précision chirurgicale n'empêchant pas une ambiance de jam bienvenue. Pour ce faire ils ont, il faut dire, une partition suffisamment infusée de mélodie pour que le tout ne tourne pas simplement à l'exercice de style bruitiste mais plutôt au laminage systématique de feuilles complices de l'auditeur ravi d'un tel traitement.
Simulacrum ? Une excellente nouvelle chez un Zorn qui, dernièrement, semblait ne souhaiter enchainer qu'easy listening et avant-garde contemporaine (oui, sauf pour le quatuor Abraxas qui semble hélas avoir vécu). L'autre bonne c'est que le projet connaîtra une suite que, franchement, on est impatient de découvrir tant cet originel tour de force fonctionne au-delà des espérances.

PS (mars 2016) : Ô la belle confirmation. Si on a du mal a le départager avec le 3 (l'excellent Inferno), on a l'assurance qu'on tient bien la un Zorn à la fois progressif et énervé. Bonne nouvelle, la formation revient bientôt avec un 4ème opus, avec le vibraphone de Wollesen en bonus !

1. The Illusionist 12:02
2. Marmarath 5:17
3. Snakes and Ladders 5:27
4. Alterities 2:49
5. Paradigm Shift 4:34
6. The Divine Comedy 12:54

John Medeski - organ
Matt Hollenberg - guitar
Kenny Grohowski - drums
John Zorn - composition, direction & production

SIMULACRUM
(John Medeski)

aVRiL
Blur "The Magic Whip"
ou "La magie opère"

C'est le retour qu'on n'attendait presque plus, celui du leader brit-pop qui avait su opérer une mue plus expérimentale particulièrement réussie. Du coup, avec deux Blur dans le passé, il s'agissait avant tout de savoir lequel The Magic Whip allait proposer. Mais en attendant, il faut commencer par constater qu'il fallut six ans depuis les réconciliations pour qu'enfin ce nouvel opus voit le jour... Une éternité meublée par des concerts triomphaux et des singles confidentiels et des nombreux projets menés par les quatre membres (dont Albarn était évidemment le plus occupé), mais côté "new Blur", pas grand chose à se mettre sous la dent... Jusqu'à ce Magic Whip donc tant attendu et qui surprend... en ne surprenant absolument pas ! De fait, sans doute parce que la formation avait alors mué et atteint sa plénitude adulte, c'est du digne successeur de Think Tank dont il s'agit, et la présence de leur producteur historique, Stephen Street qui n'était plus de la partie sur le cru 2003 et revient ici, n'y change absolument rien ! On y retrouve par conséquent la section rythmique la plus "élastique" d'Angleterre (James et Rowntree, capable de groover comme de vrais blacks comme de krauter comme d'authentiques teutons), l'écriture détaché, parfois sarcastique, parfois désabusée, de Damon Albarn, et, bien-sûr, tous les petit trucs "à la marge" dont l'arty Graham Coxon s'est fait la spécialité... Blur, quoi ! Avec cependant un peu plus de joie de vivre et d'optimisme que les deux précédents opus, l'un obscurci par la séparation du leader avec sa petite-amie de longue date, l'autre synthétisant les affres d'un collectif au bord de la séparation. Rien de ça ici ou quatre mecs désormais bien installé dans la quarantaine se font audiblement plaisir à refaire du "comme avant" bénéficiant de leurs expériences augmentées. Voilà avec de bonnes chansons ( je ne fais pas le détail, si vous aimez Blur vous ne serez pas déçus), une bonne production et une drôle de pochette (on aime ou on n'aime pas), les Kings de la brit-pop sont de retour, espérons qu'il ne repartent pas tout de suite !

1. Lonesome Street 4:23
2. New World Towers 4:03
3. Go Out 4:41
4. Ice Cream Man 3:25
5. Thought I Was a Spaceman 6:16
6. I Broadcast 2:51
7. My Terracotta Heart 4:05
8. There Are Too Many of Us 4:25
9. Ghost Ship 4:59
10. Pyongyang 5:47
11. Ong Ong 3:08
12. Mirrorball 3:39

Damon Albarn – vocals, keyboards, synthesizers, iPad, acoustic guitar
Graham Coxon – electric guitar, backing vocals, co-lead vocals on "Lonesome Street", "Thought I Was a Spaceman", and "Y'all Doomed"
Alex James – bass guitar
Dave Rowntree – drums, percussion, backing vocals
&
Stephen Street – programming, percussion, drum machine, "saxophones" (synthesizers) on "Ghost Ship"
James Dring – programming
Demon Strings – orchestration

BLUR

Mai
Faith No More "Sol Invictus"
ou "Beau retour"

C'est le retour discographique qu'on avait fini par ne plus attendre, celui d'un groupe qui, en son jeune temps, enfin, à l'arrivée de son référentiel vocaliste (Mike Patton) a secoué le petit monde du metal (à son corps défendant parce qui'il ne s'est jamais revendiqué comme en étant), c'est le retour des San-franciscains de Faith No More, 18 ans après son dernier album, une éternité...
La première surprise de ce Sol Invictus, surtout venant d'une formation qui n'eut de cesse de se renouveler dans son premier "run", c'est de sonner exactement comme du Faith No More et, précisément, comme un savant compromis de King for a Day et d'Album of the Year. Du premier, il retient une certaine variété, une capacité à marier le mélodieux et tempéré avec le colérique et chaotique, c'est d'ailleurs évident dès l'enchainement entre le moody Sol Invictus, le titre, tout en ambiance ouateuse et délicate et Superhero où la guitare et le chant agressif de Patton viennent vous décrasser les conduits auditifs. Du second, il reproduit une cohérence d'ensemble une ligne directrice générale qui manquait à son glorieux devancier.
Evidemment, sans bonnes chansons, tout ceci ne serait qu'une coquille vide, une tournure de style sans but et sans grand intérêt. Heureusement, avec line-up d'Album of the Year, et Jon Hudson à la six-cordes donc étant entendu que l'historique Jim Martin est définitivement persona-non-grata chez les Sans-Foi, les désormais largement quarantenaires prouvent qu'ils savent encore trousser de la composition accrocheuse mais pas putassière. Les meilleures ? C'est une question assez difficile dans une œuvre semblant plus vouloir former un tout que détacher tel ou tel titre du lot. On citera tout de même les deux morceaux introductifs pour leur établissement du panorama et leur belle construction mélodique, Sunny Side Up pour son petit piano si typique du style de Roddy Bottum et son refrain ô combien entêtant, Separation Anxiety pour la performance d'un Patton qui y montre l'étendu de sa palette, Black Friday pour ses atours folky inhabituels et bienvenus, et From the Dead, le plus typique d'une composition traditionnellement pop dont Faith No More se soit jamais approché. Mais ce ne sont que des exemples d'un ensemble de belle facture où, vraiment, rien ne déçoit.
Quatre ans, il aura fallu attendre quatre ans pour que la reformation d'un des groupes qui, en son temps, contribua à changer la face du metal. Un triomphe ? Sans doute pas, mais un bon album dont le plus gros défaut est sa trop courte durée avec ses 39 minutes qui passent vraiment trop vite et laissent, en vérité, un peu l'auditeur sur sa faim. Parce que Sol Invictus, réussit tout de même le tour de force de ne pas se trahir sans sembler vouloir, opportunisme oblige, coller à tout prix à ce que le groupe imaginait qu'on attendait de leur retour. Un beau retour qui appelle une suite, mais pas dans 18 ans messieurs, pas maintenant que vous nous avez aiguisé l'appétit !

PS (mars 2016) : Un grand album ? Non ! Un bel album qui vieillit plutôt bien, dont les chansons fortes perdurent et dont d'autres finissent par faire leur petit effet ? Absolument ! Alors le retour de Faith No More n'aura pas été vain, youpi ! Et on attend la suite !
 
1. Sol Invictus 2:37
2. Superhero 5:15
3. Sunny Side Up 2:59
4. Separation Anxiety 3:44
5. Cone of Shame 4:40
6. Rise of the Fall 4:09
7. Black Friday 3:19
8. Motherfucker 3:33
9. Matador 6:09
10. From the Dead 3:06

Mike Bordin - drums
Roddy Bottum - keyboards, vocals
Billy Gould - bass guitar
Jon Hudson - guitar
Mike Patton - vocals

FAITH NO MORE

JuiN
Sarah Cracknell "Red Kite"
ou "Light as Air"

Quand la chanteuse des très recommandés Saint Etienne se relance en solo, 18 ans après le joli Lipslide, ça donne un album tout en douceur et en délicatesse, exactement ce que l'on attendait d'une des plus douces voix de la pop anglaise. Mais pas exactement ce que son groupe, Saint Etienne, propose ou ce qu'elle avait, elle-même, offert sur son premier opus solitaire, pas de mélopées synthétiques ici, c'est à une précieuse petite galette pop toute en cordes ensoleillées à laquelle nous avons affaire. Avec le concours de ô combien décisif de Carwyn Ellis (l'homme derrière Colorama et également collaborateur d'Edwyn Collins, d'UNKLE, de Gemma Ray, etc.), producteur mais aussi très impliqué dans sa réalisation instrumentale (voir les crédits plus bas), Sarah Cracknell reste évidemment dans cette pop légère et douce, où un petit coup de cafard, un élan de nostalgie, n'est jamais bien loin, qui va si bien à sa voix caressante. La différence, donc, tient dans la manière, dans la toile tissée pour accueillir l'organe de la dame, un toile organique qui laisse d'infinies libertés pour explorer les multiples possibles alors envisageables. Et donc, en 12 titres et 37 vraiment trop courtes minutes, sommes-nous enchantés par les tours du duo augmenté. Bref, ça fait beaucoup de mots pour une pop qui coule joliment de source, qu'elle glisse vers la folk des fleurs pleins les cheveux (On the Swings, In the Dark, Ragdoll, Take the Silver, The Mutineer, et Favourite Chair, toutes différentes et toutes plus réussies les unes que les autres), entourés d'une pop généralement très rétro et très chic comme une sorte de Swinging London réinventé (Nothing Left to Talk About,  Under the Stars, Hearts Are for Breaking, I Close My Eyes, It's Never Too Late et Enemy, de la ballade ouatée au rock presque psyché, tout est fait et bien fait), le tout s'imbriquant merveilleusement l'un dans l'autre pour une galette équilibrée et inspirée. Reste à espérer que Sarah ne mette pas 18 ans à nous offrir un successeur à ce Red Kite "light as air". 

1. On the Swings 3:51
2. Nothing Left to Talk About 2:52
3. In the Dark 3:53
4. Ragdoll 3:02
5. Underneath the Stars 3:15
6. Hearts Are For Breaking 3:00
7. Take the Silver 2:32
8. The Mutineer 3:25
9. I Close My Eyes 3:05
10. It’s Never Too Late 2:46
11. (I Am Not Your) Enemy 3:11
12. Favourite Chair 2:11

Sarah Cracknell - Vocals 
Carwyn Ellis - Autoharp, Bass, Celeste, Drum Machine, Drums, Dulcimer, Guitars, Harmonium, Harp, Marxophone, Mellotron, Organ, Piano, Sitar, Ukulele, Vibraphone, Background Vocals, Vox Continental
Mark Waterfield - Guitars, Background Vocals
Mason Neely - Drums, Percussion, String Arrangements 
Lawrence Oakley - Bass, Drums, Background Vocals
Luca Guernieri - Drums
David Adams - Violin 
Julia Loucks - Violin
Sophie Frankford - Violin  
Louisa Lyne - Cello 
Alice Neary - Cello
Jane Griffiths - Viola 
Robin Bennett - Flute, Background Vocals
Kami Thompson - Background Vocals
James Walbourne - Background Vocals
&
Seb Lewsley
- Mixing, Shaker, Tambourine
The Rails - Vocals 
Nicky Wire - Vocals

SARAH CRACKNELL

JuiLLeT
John Zorn/Forro in the Dark "Forro Zinho - Forro in the Dark Plays Zorn"
ou "Zorn in Brasil"

Sur le modèle des Book of Angels, des compositions du maître offerte en pâture à une formation spécialement choisie pour l'occasion, dans la foulée, aussi, d'un exercice similaire paru en début d'année, Dither Plays Zorn, icelui dédié à une approche nettement plus avant-gardiste que le présent, John Zorn ouvre ses portes à une combo brésilien qui fait sien quelques pages du boulimique compositeur new-yorkais pour un résultat aussi surprenant que bluffant.
En l'occurrence, doté d'épices brésiliennes, proposant un cocktail de morceaux connus et de créations spécifiquement dédiées au projet, c'est à un Zorn inhabituellement festif et percussif auquel nous nous voyons joyeusement confrontés. Le mérite en revient au quatuor d'exilés cariocas en la grosse pomme, Forro in the Dark, qui a su, sous le patronage d'un Jesse Harris déjà repéré dans le Song Project et présentement producteur de l'album, habiter ces partitions sans pour autant perdre une once de l'esprit habitant le versant le plus cool et groovy du compositeur.
Histoire de mettre les petits plats dans les grands, quelques invités de marque ont été conviés au banquet parmi lesquels des têtes connues, le précité Jesse Harris, l'argentine Sofia Rei (également partie prenante dans le Song Project) ou, plus surprenant, le vétéran de la samba/bossa nova Marcos Valle. Tout ce petit monde, qui a l'air de bien s'amuser, sur la base d'un forro, style pas si distant de celui de John puisque puisant ses racines dans des musiques traditionnelles d'Europe centrale, ici notablement enrichi d'atours rock, jazz, reggae et même country, propose une ouverture musicale qui sied particulièrement bien à l'univers du touche-à-tout génial que nous connaissons. Le résultat, une fusion tourbillonnante et joyeuse, dansante et spirituelle, ne déstabilisera pas les suiveurs zélotes d'un Zorn qui les a habitué à s'attendre à tout mais, tout de même, peut-être pas à une œuvre si immédiatement accessible et addictive. Parce Forro in the Dark, avec son cocktail d'instruments traditionnels et classiques, son allant tout à fait communicatif aussi, réussit un opus poussant à trémousser du popotin un large sourire aux lèvres ce qui n'est pas si courant dans l'œuvre tentaculaire du membre le plus hyperactif de la downtown scene.
Galette idéale pour un été ensoleillé ou, plus tard, pour mettre un bon coup de lumière et de chaleur à la grisaille et la froidure qui nous guettent , Forro Zinho est une exemplaire réussite qu'on recommande sans la moindre hésitation tant aux amateurs des exactions zorniennes qu'à toutes celles et tous ceux qui veulent simplement passer un excellent moment en compagnie d'excellents instrumentistes sachant jouer avec application et fougue une musique qui ne se prend surtout pas au sérieux et tutoie, du coup, souvent le divin.

PS (mars 2016) : Pour le coup, je n'ai rien à ajouter sauf à confirmer l'excellence d'une galette aussi abordable aux néophytes que délicieuses pour les spécialistes de la "chose Zorn".
 
1. Uluwati 3:31
2. Novato 3:42
3. Forro Zinho 5:03
4. Life Is Real Only Then When "I Am" 2:46
5. Shaolin Bossa 3:21
6. Sunset Surfer 3:13
7. Zavebe 4:45
8. Ode to Delphi 4:28
9. Tempo de Festa 4:36
10. Annabel 2:01
11. The Quiet Surf 3:13

Jorge Continentino - pianos, flutes, vocals, tenor and baritone saxophone
Guilherme Monteiro - electric guitar
Mauro Refosco - zabumba, vibes, synare, percussion
Rea Mochiach - bass, percussion, fun machine
Jesse Harris, Sofia Rei - vocals
Vitor Gonçalves - accordion
Marcos Valle - guest vocals, wurlitzer

FORRO IN THE DARK

aoûT
Motörhead "Bad Magic"
ou "Glorious Last Words"

La Mauvaise Magie, c'est la disparition de Lemmy quelques mois après la sortie de ce 22ème long-jeu de son Motörhead, un album qui donnait envie d'en avoir plus. On aurait pu, on aurait voulu, même, dire que ce dernier album était un final en fanfare, l'album le plus diversifié, l'album le plus créatif, l'album le plus agressif, l'album le plus rigolo, l'album le plus... Je pense que vous m'avez compris, qu'on tenait là un album au caractère, pour une raison ou une autre, absolument décisif. Clairement, il n'en est rien et Bad Magic est simplement un album de Motörhead de plus mais pas un album de Motörhead de trop ! Un album de plus parce qu'on y retrouve tout ce qu'on attend du trio, du heavy rock qui va à 100 à l'heure au mid-tempo rampant en passant par une power ballad forcément un peu à part, parce que Lemmy, quoi !, bref, rien que de très classique mais, en l'occurrence, du classique bien troussé, qui flatte l'oreille de celui qui a biberonné à Ace of Spades ou Overkill comme à celui qui vient de découvrir, mieux vaut tard que jamais, ces affreux, sales et méchants rockers certes vieillissant mais qui n'en ont pas l'air. Et donc pas un album de trop parce que, d'un Victory or Die sur les chapeaux de roues, d'un The Devil lourd et menaçant (avec un beau solo de Brian May), d'un Till the End d'autant plus émouvant qu'il prend désormais un tout autre sens, à une sympathique reprise du Sympathy for the Devil des qui-vous-savez (belle performance de Mickey Dee, au passage), et tout ce qu'il y a autour et que je vous laisse le soin de découvrir par vous-même vous assurant tout de même que de déception il n'y aura pas, c'est une solide et inspirée sélection que Lemmy, Phil (Campbell, là depuis 1984 tout de même) et Mickey nous offrent.
...Et le rideau tombe, et une larmichette coule en se souvenant que c'est fini, que plus jamais cet incomparable escogriffe ne viendra hurler dans le micro et tabasser ses cordes graves pour notre ravissement auditif un poil masochiste (qu'est-ce qu'ils jouaient fort, les bougres !)... Bad Magic est-il un digne chant du cygne ? En impeccable démonstration qu'une formule immuable peut continuer à livrer de sacrées chansons, en souvenir d'un mec qui n'avait rien pour être une star mais a beaucoup bossé (ce qu'il ne disait jamais, évidemment), oui, mais on le regrette parce qu'on en aurait voulu plus.

1. Victory or Die 3:09
2. Thunder & Lightning 3:06
3. Fire Storm Hotel 3:35
4. Shoot Out All of Your Lights 3:15
5. The Devil 2:54
6. Electricity 2:17
7. Evil Eye 2:20
8. Teach Them How to Bleed 3:13
9. Till the End 4:05
10. Tell Me Who to Kill 2:57
11. Choking on Your Screams 3:33
12. When the Sky Comes Looking for You 2:58
13. Sympathy for the Devil 5:35

Lemmy Kilmister – bass guitar, vocals
Philip Campbell – guitar, piano on "Sympathy for the Devil"
Mikkey Dee – drums
&
Jimmi Mayweather and Nick Agee - backing vocals on "Shoot Out All Of Your Lights"
Brian May – guitar solo on "The Devil"

MOTÖRHEAD

SePTeMBRe
Iron Maiden "The Book of Souls"
ou "Double Dose de Metal"

Dans le petit monde du metal, un nouvel album d'Iron Maiden est toujours un authentique évènement, parce le groupe a marqué l'histoire de cette musique au point qu'on retrouve presque toujours des traces de leur fameux son dans chaque nouvel album, chez chaque nouveau groupe apparu. C'est dire si le retardé The Book of Souls, parce que Bruce était malade et que la décision fut prise d'attendre son rétablissement pour finaliser et sortir l'album, le 16ème opus des anglais, était attendu avec une impatience anxieuse.
Anxieuse parce que si The Final Frontier avait été une bonne nouvelle (après un Dance of Death et un Matter of Life and Death franchement trop en pilote automatique pour être pleinement satisfaisants), un album de retour en forme avec même quelques innovations dans un style pourtant immuable, le titre et la vilaine rumeur suggéraient qu'il serait peut-être le dernier... Et puis, 5 ans entre deux albums studio !, Iron Maiden ne nous avait jamais abandonné aussi longtemps. Enfin, fi de ces mauvais présages, avec 92 minutes, 11 titres dont trois aux épiques proportions (à eux trois dépassant la longueur d'un de leurs albums du début des années 80 !), revoilà Iron Maiden. Clairement, ceux qui craignaient de voir ces vénérables anciens s'adonner, une fois de plus, à leurs penchants progressifs verront leurs craintes confirmées. La nouveauté étant, en la circonstance, que le plus long, le plus radicalement orchestral et épique, soit l'œuvre, non d'un bassiste/leader pourtant habitué à l'exercice, mais bien de son frontman, Bruce Dickinson, qui ne nous avait délaissé l'excercice (mais dont on savait qu'il pouvait faire, voir Révélations et Powerslave, deux inoxydables classiques) et y joue même du... piano !
Et donc, on en vient au gras de la chose, à cette 16ème galette qu'on brûle de dévorer. Première constatation, la pochette (de Mark Wilkinson qui s'est fait connaître par ses travaux pour les progueux british de Marillion) est assez moche, assez peu spectaculaire aussi (ce qui pousse, du coup, à conseiller l'édition "Deluxe" avec son beau gros livret qui rattrape bien le coup, de vrais businessmen ces vieux metalleux !). Pas de réserve, par contre, concernant la mise en son qui est absolument flamboyante et toujours menée par le fidèle Kevin Shirley (ça dure depuis 15 ans et 5 albums, tout de même !) qui a, cette fois, su à saisir l'énergie live du groupe avec la précision d'une captation studio, son meilleur boulot pour les vétérans de la New Wave of British Heavy Metal, bravo.
Et donc, au "gras du gras", à la substantifique moelle de The Book of Souls, les chansons ! Parce que sans bonnes chansons, même avec le meilleur artwork, la meilleure production, la meilleur promotion même, tout ceci ne serait que du vent. Et donc, 11 chansons donc, 92 minutes, c'est du lourd, du massif. Une petite évocation "track by track" ne sera pas, du coup, inutile :
- If Eternity Should Fail : l'habitude prise sur Final Frontier est reconduite ! Iron Maiden a décidé de nous étonner dès le tout début de ce Book of Souls. La fois d'avant c'était avec du tribal, là c'est Dickinson supporté par quelques théâtrales nappes de synthétiseur, étonnant, réussi aussi. Mais on sent que la bête est tapie dans l'ombre et, ça ne manque pas, elle débarque ! Bon, ça défouraille moyen mais c'est du bon Maiden, classique, avec la basse qui claque bien et Bruce qui vocalise comme il faut, plus aussi aigu et agressif qu'avant, c'est l'âge, mais de façon tout à fait convaincante. Et tant pis si ça patine un peu, si, dans leur prime jeunesse, ils auraient mené tout ça le pied sur l'accélérateur en un quart de temps en moins, l'excellent break solo, ouvert par Nicko, une première !, vient rappeler que ces gars-là possèdent leur formule à la perfection. C'est vrai, on a connu de meilleures entrées en matière, mais celle-ci se place dans les plus belles "post-classiques", et c'est signé Dickinson. 8/10
- Speed of Light : c'est le single, du bon gros heavy metal bien enlevé, un fondamental du catalogue de la Vierge de Fer, en somme. Le riff ferait penser à Enter Sandman ? C'est un peu vrai mais on s'y fait rapidement, d'autant que Bruce y chante bien, que le refrain accroche et que les interventions guitaristiques contribuent joliment à la tenue d'un ensemble rigoureusement classique signé d'Adrian Smith et de Dickinson. 7,5/10
- The Great Unknown : la grande inconnue ? Pas vraiment. Une longue intro avant l'explosion de rigueur, sur un bel égosillement de Bruce ceci dit, mais tout ça est exactement ce que les détracteurs reprochent à Iron Maiden, la stricte application d'une formule éprouvée ce qui, sans la flamme, sans la petite étincelle qui fait la différence, se laisse écouter sans déplaisir, certes, parce que tout y est, indéniablement, mais sans réel enthousiasme pour autant. 5/10
- The Red and the Black : c'est, à 13 minutes et demi, le premier des trois mastodontes de l'album, celui qu'Harris s'est jalousement réservé (sa seule composition solo de l'album, c'est à noter) et qui s'avère, sans surprise, d'un immense classicisme stylistique que ce soit dans sa structure ou dans sa mélodie. Quelque part entre Clansman et Heaven Can Wait (ces hohoho à reprendre en chœur), comme de bien entendu rehaussé d'un break solo qui prend son temps, c'est un morceau bien troussé dont on se dit, tout de même, qu'il ne nécessitait pas forcément cet étirement un poil excessif. Mais comme on ne s'y ennuie pas une seconde, on l'achève avec le sentiment qu'on aurait mauvaise grâce à rejeter une si belle composition simplement parce qu'elle vient flatter l'âme nostalgique de l'auditeur lambda des vétérans. 7,5/10
- When the River Runs Deep : du Maiden qui rocke ! Youpi. Le tempo est rapide, les guitares mélodiques et tranchantes (avec un petit quelque chose de Wasted Years, merci Adrian), la ligne de chant coule bien, retient bien l'attention sur un morceau résolument fun, de ceux qu'on aime à reprendre en chœur avec le groupe et pleins d'inconnus souvent chevelus lors de Grand-Messes métalliques bon-enfant. Et s'il n'est pas plus original que The Great Unknown, il est tellement mieux mené, tellement plus tout ce qu'on attend instinctivement du groupe et qui fait tant plaisir quand c'est réussi comme ici, qu'on ne peut qu'y adhérer. 8,5/10
- The Book of Souls : second morceau fleuve de l'album, celui qui donne son titre à l'album et son artwork d'inspiration Maya à son emballage, The Book of Souls est de la même veine d'écriture d'Iron Maiden (et de Steve Harris en particulier) que son épique devancier. Mais le bassiste, ici secondé de Jannick Gers à la composition, n'y produit pas, contrairement à la rumeur, l'héritier de Rime of the Ancient Mariner. De fait, The Book of Souls, du pur Harris en vérité, s'avère être dans la droite lignée des To Tame a Land, Alexander the Great, Seventh Son of a Seventh Son et consorts, et vaut parce qu'il est mélodiquement réussi, jusque dans son inévitable break solo ici excellemment troussé. Comme, When the River Runs Deep juste avant, ça ne réinvente rien mais ça le fait. 7,5/10
- Death or Glory : comme on attaque la seconde galette, il faut redémarrer la machine, c'est le rôle qui incombe à l'efficace et percutant Death or Glory qui s'en sort d'ailleurs très bien sans aucunement innover mais en menant, à un train d'enfer, l'auditeur dans un de ces galops heavy dont le sextet a le secret, riff accrocheur, refrain héroïque et exhibitions guitaristiques incluses. Rien à signaler en somme, sauf le bonheur d'une écoute mettant à l'épreuve les cervicales de l'auditeur. 7,5/10
- Shadows of the Valley : c'est le retour du syndrome The Great Unknown, en encore un peu moins réussi, en vérité, un morceau en pilotage automatique pas exactement indigne mais tellement dérivatif de moult chansons passées, un vrai puzzle d'iceux, et pas assez porté par une mélodie qui n'accroche jamais vraiment, qu'on peine à entrer dans un trip si peu remarquable. 4,5/10
- Tears of a Clown : on a du mal à dire du mal d'un titre si plein de bonnes intentions, de nobles sentiments (il s'agit d'un hommage rendu à l'acteur Robin Williams qui nous a quitté l'an passé) mais, franchement, Tears of a Clown manque de cette étincelle qui en aurait fait plus d'une chanson de plus sur un album déjà bien chargé. Sa principale particularité ? C'est d'être le morceau le plus musicalement "light" de l'opus. Sinon, riffs, soli, mélodies de chant (avec cependant un refrain qui surnage un chouia), peinent à créer l'évènement ce qui, dans un morceau d'Iron Maiden, ne laisse plus grand chose. Pas mauvais mais définitivement dans la moyenne basse de l'exercice 2015 avec tout de même l'avantage de ne pas traîner en longueur. 5,5/10
- The Man of Sorrows : dont la trompeuse homonomie ne doit pas nous le faire confondre avec le morceau de Dickinson en solo (sur Accident of Birth, juste retranché du The chez Bruce). Morceau au tempo lent dans une première partie aussi lourde que du Black Sabbath, il déboîte sur un mid tempo rampant assez inattendu couronné par un refrain bien troussé et, forcément, un break solo permettant à la triplette de six-cordistes de s'exprimer, plutôt bien en l'occurrence même si l'exercice aurait pu être resserré. Mais il n'y a pas la petite étincelle et, donc, au final, ça reste du Maiden assez anonyme mais pas désagréable, comme souvent avec les compositions de Dave Murray. 6/10
- Empire of the Clouds : dans la plus pure tradition d'Iron Maiden, ce n'est pas à chaque fois mais c'est souvent, la dernière case est dévolue à l'ultime épopée. Et quelle épopée !, dont, une fois n'est pas coutume, Dickinson en est l'auteur mais aussi, encore plus rare !, un des instrumentistes puisqu'il y joue du piano. Celle qu'on reconnaîtra désormais connue comme la plus longue, la plus progressive et la plus orchestrale des créations du répertoire du groupe, avec ses fières 18 minutes, est aussi, surtout !, le bébé de Bruce qui l'a, dit-on, pensée de A à Z. La première vraie bonne nouvelle est que le "gros bidule" ne ressemble à strictement rien qu'aient produit ces messieurs précédemment. La seconde est le contenu de ce qui à tous les atours du gros caillou précieux sur la couronne ciselée est à la hauteur de l'évènement et s'avère l'apothéose de cet album qui, sans elle, n'aurait pas provoqué le même enthousiasme critique. Parce que d'une intro qui prend son temps à un développement multi-parties entièrement réussi, d'une mélodie prouvant que Dickinson est plus qu'un simple vocaliste pour la formation, un élément central et indispensable de leur musique, avec donc toujours ce piano en élément mélodique central, c'est un tour de force de metal progressif d'un nouveau genre pour de vieux gars qu'on croyait coincés dans une sempiternelle redite de leurs moments de gloire passés. C'est indéniablement d'Iron Maiden dont il s'agit mais, pour la première fois depuis... pfui, Somewhere in Time (1986, osons !), le groupe y décide de vraiment tenter l'impossible, son mini rock-opéra, son Supper's Ready dirait-on, dans les limites du style exercé par ces messieurs, évidemment, mais tout de même, c'est bluffant, un triomphe même... En forme de piste pour un éventuel futur ? On est preneur ! 9,5/10
Tout ça nous fait ? Un Iron Maiden plus que correct, classique dans le style, prenant des libertés dans la forme, progressif mais ménageant quelques saillies costaudes, n'oubliant jamais d'où il vient aussi... Le travail de gens qui savent exactement où ils veulent aller et ce que leur public souhaite entendre. Et si The Book of Souls n'est pas une nouvelle révélation malgré les discrets mais efficaces ajouts orchestraux qui le peuple (ce serait plutôt la suite extrêmement logique d'un Final Frontier en probablement encore mieux réussi, donnons-nous le temps du recul critique), c'est une vraie bonne galette de heavy metal d'un groupe forcément en fin de parcours (dans 5, 10, 15 ans, fatalement) mais ayant plus que de beaux restes, Dickinson en particulier tout à fait remis de son petit pépin, encore quelque chose à dire et les moyens de l'exprimer... Pourvu que ça dure !
Bon, c'était long mais, comme nous l'a prouvé Iron Maiden avec The Book of Souls, plus c'est long, plus c'est bon !, alors pourquoi s'en priver ?

PS (mars 2016) : On ne sait toujours pas de quoi le futur créatif d'Iron Maiden sera fait. S'il devait arriver que The Book of Souls soit leur chant du cygne, on parlerait alors d'un final en beauté, ne serait-ce que pour les très très réussis If Eternity Should Fail, When the River Runs Deep et, évidemment, l'impressionnant Empire of Clouds. Un peu long ? Avec quelques titres dont on se serait franchement passé ? Oui, mais une heure de vrai bon Maiden, on n'en attendait finalement pas tant.

CD 1
1. If Eternity Should Fail 8:28
2. Speed of Light 5:01
3. The Great Unknown 6:37
4. The Red and the Black 13:33
5. When the River Runs Deep 5:52
6. The Book of Souls 10:27

CD 2
1. Death or Glory 5:13
2. Shadows of the Valley 7:32
3. Tears of a Clown 4:59
4. The Man of Sorrows 6:28
5. Empire of the Clouds 18:01

Bruce Dickinson - lead vocals, piano on "Empire of the Clouds"
Dave Murray - guitar
Adrian Smith - guitar
Janick Gers - guitar
Steve Harris - bass, keyboards, co-producer
Nicko McBrain - drums
&
Michael Kenney - keyboards
Jeff Bova - orchestration

IRON MAIDEN

eX-aeQuo
Keith Richards "Crosseyed Heart"
ou "Monsieur Keith"

Rien que cette pochette où le vieux Keith au sourire chenapan semble se réjouir du coup pendard qu'il va nous faire en dit très long sur ce Crosseyed Heart. En l'occurrence, 23 ans après un Main Offender pas franchement inoubliable, c'est typiquement le genre d'album d'un mec qui n'a plus rien à prouver, ni rien à se prouver et ne recherche plus que le plaisir de jouer une musique qui est si vicéralement ancrée en lui qu'elle ne peut pas jaillir autrement que comme une sorte d'inespérée fontaine de jouvence.
Et donc c'est de blues et de rock au sens large dont il s'agit parce que, fondamentalement, c'est ce qu'a toujours voulu faire Monsieur Keith, dès sa passion adolescente pour les maîtres étatsuniens du genre et la rencontre avec Mister Mick... Toute une histoire ! Une histoire qu'on ne peut pas tout à fait extraire de son occiput à l'écoute d'un opus de l'un des patrons, la plus rare des Pierres Qui Roulent dans l'exercice. Ici, avec le même sideman que sur ses deux albums solo précédents, Steve Jordan, batteur, co-compositeur et coproducteur des trois galettes (que Keith avait rencontré lors des sessions de Dirty Works de qui vous savez pendant que Charlie était en désintox). D'ailleurs, c'est toute la bande des X-Pensive Winos ou presque qui est reconduite, parce que Monsieur Keith est fidèle, au moins en musique (+ d'un demi siècle avec Mick, ça mérite une médaille !).
Et la musique là-dedans ? On avait d'abord découvert un Trouble, single que n'aurait pas renié un Dan Auerbach ou un Jack White, du blues juste ce qu'il faut de modernisé, d'edgy pour ne pas trop redonder, pas une grande chanson ceci dit mais un bon groove et une écoute prometteuse du long-jeu à venir. Un album généreux puisque doté d'une quinzaine de pistes dont une reprise (Goodnight Irene, un standard composé par le protest-bluesman Leadbelly ici délicieusement revue et corrigée), et généreux surtout parce que les musiciens, le patron compris évidemment, s'y donnent avec un allant nettement supérieur à celui de Talk Is Cheap et Main Offender. Keith nous rappelle que, vocaliste moyen qu'il a toujours été, il sait manier le blues avec une conviction qui emporte le morceau, ce dès l'acoustique Crosseyed Heart largement réminiscent de Robert Johnson (on trouve pire comme comparaison !) où le Richards gratte comme jamais. Amnesia, en blues électrique, rampant et poisseux est une autre grande réussite de l'opus, une chanson qu'on imaginerait pas par ses habituels partenaires ce qui est, en soit, une excellente nouvelle. On croirait un mélange de Tom Waits et Bruce Springsteen sur Robbed Blind ?, belle ballade triste aux délicieux accents countrysants, on apprécie parce que, quelle chanson mes aïeux ! Des beaux accents reggae sur Love Overdue ?, on se souvient du séjour des Stones en Jamaïque et des traces durables que ça a laissé sur le guitariste qui réussit d'ailleurs admirablement son affaire "à la cool". Et du rock and roll qui bluese fort, parce que sinon ce ne serait plus vraiment le Richards qu'on connaît et qu'on aime, la cache est cochée, avec énergie et efficacité si un son suspicieux (une répète gonflée ?) par Blues in the Morning tout en piano swinguant et cuivres moites. Et du rock qui rocke comme sur un Something for Nothing où un Keith un poil égosillé mais grattant un de ses bons riffs millésimés, est bien soutenu par quelques chœurs blacks. Un petit duo de rigueur avec une Norah Jones en pleine mue qui fait du bon boulot avec Papy sur un morceau en swing doux (Illusion). Et même, cerise sur le gâteau, Substantial Damage, un blues rock gras et funky qui, planqué en fin d'opus, nous rappelle que Keith aime l'électricité et sait la faire parler avant de refermer boutique sur un magnifique Lover's Plea en apothéose cool d'un album décidément réussi.
Voilà, à 71 ans, vénérable et vénéré, Keith Richards réussit, enfin !, son bon coup à lui. Varié mais cohérent, Crosseyed Heart est l'album que l'on n'attendait plus, la divine surprise d'un mec qui, parce qu'il n'a plus la pression, peut faire parler l'immense talent qu'on savait qu'il possédait.

PS (mars 2016) : On confirme, il est excellent ce Keith Richards ! Comme son auteur, il vieillit bien. De fait, c'est son meilleur, ce qui ne veut pas dire grand chose, mais aussi probablement le meilleur album d'un Stone en groupe (les Stones compris, donc) ou en solo depuis... Longtemps* ! Bravo Papy !
* je tente Primitive Cool de l'ami Mick

1. Crosseyed Heart 1:53
2. Heartstopper 3:04
3. Amnesia 3:36
4. Robbed Blind 4:01
5. Trouble 4:18
6. Love Overdue 3:29
7. Nothing on Me 3:48
8. Suspicious 3:43
9. Blues in the Morning 4:26
10. Something for Nothing 3:29
11. Illusion 3:48
12. Just a Gift 4:01
13. Goodnight Irene 5:46
14. Substantial Damage 4:22
15. Lover's Plea 4:24

Keith Richards - lead vocals, guitars, piano, bass
Waddy Wachtel - lead guitar
Ivan Neville - keyboards
Steve Jordan - drums
Bernard Fowler - backing vocals
Sarah Dash - backing vocals
&
Norah Jones - duet vocals on "Illusion"

KEITH RICHARDS

oCToBRe
Eagles of Death Metal "Zipper Down"
ou "Eagles Fly Free"

Bien-sûr, les Eagles of Death Metal, suite aux incidents du Bataclan que chacun sait, ne sera plus jamais un groupe tout à fait comme les autres pour nous, public français. Pour ceux qui se s'intéressassent pas forcément à ce projet annexe de l'ex-leader de Kuyss, fomenteur en chef des Desert Sessions et actuelle tête pensante des Queens of the Stone Age, Josh Homme, et de Jesse Hughes, son plus fidèle lieutenant/pote avec qui il collabore depuis longtemps (une Desert Session de 1998, Volume 3 & 4), il n'est pas inutile de préciser que les trois premiers albums de cette formation drôlement nommée (parce que de Death Metal, il n'est évidemment jamais question) ont été de beaux exemples de stoner garage et qu'à défaut de vraiment nous avoir emporté, ils ont satisfait l'amateur de rock gras mais fin. Et donc quand vient Zipper Down, 4ème long-jeu du duo sorti, sept longues années après son devancier, Heart On, le 2 octobre 2015, avant qu'on ne sache, comment aurait-on pu ?, l'impensable, on est fin prêt à accorder à ces Aigles du Metal de Mort notre indéfectible et bienveillante attention et on a bien raison parce que, passé une pochette d'un goût douteux et en plus assez laide, c'est à une sacrée galette de rock'n'roll de chenapans à laquelle nous sommes convies. Parce qu'ils n'ont peur de rien, Josh et Jesse, pas peur de s'aventurer dans le glam rock dynamisé, du presque-Rolling Stones de première bourre, du boogie à faire rosir d'envie le fan d'AC/DC, de la ballade folk-rock 70s, bref, du rock qui n'a d'autre but que de faire secouer les têtes, remuer les popotins avec un large sourire polisson. Caricatural ? Dérivatif ? Oui da!, ce qui semble être le but des deux compères qui se réjouissent dans l'empilement des clichés et leur détournement et est, présentement, absolument glorieusement mené en 34 trop courtes minutes (le seul défaut de l'opus) par un duo qui, souhaitons-le, n'est pas prêt de rendre les armes, avec leur Aigles ou dans leurs autres nombreux projets.

1. Complexity 2:46
2. Silverlake (K.S.O.F.M.) 3:35
3. Got a Woman 2:02
4. I Love You All the Time 3:09
5. Oh Girl 4:08
6. Got the Power 3:28
7. Skin-Tight Boogie 3:12
8. Got a Woman (Slight Return) 0:41
9. The Deuce 3:06
10. Save a Prayer 4:40
11. The Reverend 3:29

Jesse Hughes ("Boots Electric") – guitar, vocals, baritone, bass, talk box
Joshua Homme ("Baby Duck") – vocals, baritone, drums, bass, guitar, electric guitar, duduk, knee slaps, organ, percussion, piano, slapstick, slides, talk box, trumpet
&
Tuesday Cross – additional vocals
Matt Sweeney – additional guitar

EAGLES OF DEATH METAL

NoVeMBRe
John Zorn/The Spike Orchestra "Cerberus, Book of Angels Volume 26"
ou "Big Anges"

Quand on en vient à évoquer un nouveau volume du Book of Angels de John Zorn, on ne peut s'éviter de recourir à la même rengaine, de souligner la qualité des compositions de l'homme, le choix pertinent de la formation, le résultat au-dessus des espérances, une sorte de routine dans l'excellence qui doit en laisser quelques-uns béats d'admiration. Et ce n'est pas avec le déjà 26ème tome de la saga, confié cette fois à un big band edgy et foutraque, que ça va changer.
Parce que les zozos choisis pour l'occasion, The Spike Orchestra, assumant fièrement des influences de Duke Ellington à Carl Stalling, de Frank Zappa au compositeur du présent, semblent destinés à proposer à l'avide zélote de la chose zornienne un volume riche et multiple comme purent l'être, par exemple, ceux des Secret Chiefs 3 (Xaphan, le 9) ou d'Eyvind Kang (Alastor, le 22), une sorte de Saint Graal en forme de montagnes russes pour les tympans et stimulateur zygomatique certifié. Le détail ? On ne le donnera pas trop pour ne pas déflorer le plaisir, les justes références ci-dessus, la certitude de retrouver quelques mélodies typiques et pourtant encore nouvelles d'un compositeur qui accumule les trésors lors de miraculeuses sessions d'inspiration est, youpi tralala, au rendez-vous, une fois encore. Rappelons ici que tout ce second livre de Masada, tous les 26 volumes et souhaitons les quelques autres encore à venir, fut composé en trois petits mois, une expérience dont Zorn se souvient encore avec émotion (an informance with John Zorn, visible sur YouTube). Or, donc, quand ce matériau séminal, cette giclée créatrice irrépressible est assemblée par une bande de barjots dédiés à l'ouvrage, inventifs et experts dans leurs arrangements et, surtout !, prenant un audible plaisir à la tâche, c'est, en tout cas lors de premières écoutes enthousiasmantes, un véritable festin pour les oreilles qui paraît taillé dans le même divin matériau que les tous meilleurs opus de la série (du minimalisme d'un Friedlander au jazz évocateur d'un Bar Kokhba, et j'en passe, dont les deux autres mentionnés).
Evidemment, il faudra attendre le verdict du temps, ultime juge de paix mais, d'ors et déjà, ça s'annonce très très bien. Aussi peut-on, sans crainte, recommander ce Cerberus en forme de potentiel nouveau tour de force, et accessoirement la 13ème galette de l'an apparentée au stakhanoviste new-yorkais (une année comme les autres, en somme...), aux amateurs de musique qui swingue chez les mabouls avec un allant pas si souvent entendu et toujours bienvenu. Bravo le Spike Orchestra, bravo John Zorn.

PS (mars 2016) : Et le verdict du temps évoqué plus haut est que l'affaire est toujours aussi absolument jouissive après une bonne quinzaine d'écoutes, ayant remisé puis ressorti l'album. Confirmation que l'imagination d'interprètes suffisamment chenapans pour ne pas trop respecter sans pour autant trahir, difficile équilibre, va particulièrement au teint des compositions du Maître, comme c'est le cas pour ce swinguant Cerberus.

1. Gehegial 4:59
2. Hakha 5:09
3. Hananiel 5:09
4. Lahal 5:19
5. Armasa 7:35
6. Thronus 6:47
7. Shinial 4:42
8. Donel 5:48
9. Raguel 4:45
10. Pahadron 6:19

Paul Booth - Tenor Sax, Clarinet
Erica Clarke - Baritone Sax, Bass Clarinet
Stewart Curtis - Tenor Sax, Clarinet
Sam Eastmond - Solo Trumpet
Nikki Franklin - Voice
Moss Freed - Guitar
Ben Greenslade-Stanton - Trombone
Mike Guy - Accordion
George Hogg - Trumpet, Flugelhorn
Noel Langley - Trumpet, Flugelhorn
Sam Leak - Piano, Keyboards
Chris Nickolls - Drums
Dave Powell - Tuba
Ashley Slater - Trombone
Karen Straw - Trumpet, Flugelhorn
Mike Wilkins - Alto Sax, Clarinet
Otto Willberg - Bass
Vasilis Xenopoulos - Alto Sax, Flute

THE SPIKE ORCHESTRA

DéCeMBRe
Cage the Elephant "Tell Me I'm Pretty"
ou "The Elephant in the Room"

Le truc qui est évident à l'écoute de la discographie de Cage the Elephant, l'éléphant dans la pièce comme on dit en anglais, le machin que tout le monde voit mais dont on n'ose pas parler, c'est que les natifs du Kentucky sont un groupe sous influence. Avant cet album, sous la direction d'un producteur sans personnalité particulière, ils recyclaient largement le rock pop d'un Oasis le mêlant à des éléments de l'alterno des  Pixies, pas bien original mais rondement mené ce qui leur valut une belle réputation et un certain succès chez nos voisins britanniques sans doute sensibles aux sonorités largement brit-rock de ces cousins d'Outre-Atlantique. Cette fois, puisqu'ils sont désormais dirigé par nul autre que le très "in" Dan Auerbach, ils ressemblent vraiment beaucoup à un petit Black Keys bis, rien que de très normal en somme vu l'énergie que met le bonhomme dans tous les projets auxquels il s'atèle et que, forcément, il aurait un peu tendance à vampiriser. Heureusement pour eux, au petit jeu des émules encombrées, Cage the Elephant, qui ne débute donc pas dans la combine, s'en sort bien, fort sans doute de ce petit quelque chose à lui qui fait la (petite mais) différence (tout de même), de cette manière finalement personnelle de synthétiser ce qu'on a entendu ailleurs. Et donc, en une dizaine de chansons qui ne traînent pas en longueur sur un album tout aussi lapidaire (38 minutes et des poussières, minimum syndical), avec une pochette qui ne donne pas forcément envie de tenter l'aventure (quoiqu'elle intrigue, la bougresse, avec son modèles à l'évidente disgrâce), le presque sextet récemment renouvelé (le claviériste, Matthan Minster, n'étant pas membre officiel et le guitariste Nick Bockrath rejoignant le groupe pour le présent exercice) et leur invité de marque de producteur, qu'on oublie évidemment pas, réussissent une petite merveille de galette aussi revivaliste que réjouissante. Revivaliste parce qu'on se dit que sans les Seeds, les Troggs, les Kinks, les Who, Blue Cheer, les Animals, les Pretty Things (etc., parce que j'en oublie forcément) rien de tout ceci n'aurait été présentement, en l'an de grâce 2015, été couché sur bande. Réjouissante parce que d'un Cry baby psyché-garage light et rondement mené avec tous les hooks qu'il faut pour ce genre de machin, d'un Sweet Little Jean délicieusement pop et si Swinging London qu'on se pince pour se souvenir de la provenance étatsunienne de ces larrons-là, d'un Cold Cold Cold que n'aurait pas renié un Eric Burdon débutant, d'un joyeusement nerveux et sautillant That's Right, qui vous colle un bon gros sourire niais, à un Portuguese Knife Fight bien gras et rampant, Cage the Elephant (et Auerbach donc) ont troussé une bien belle galette à l'ancienne dont la riche mise en son, les petits détails qu'on manque au début, n'est pas le moindre attribut. Bref, miroir, mon beau miroir, les Cage the Elephant ne sont peut-être pas les plus belles, ils n'en ont pas moins de vrais atouts à faire valoir et un 4ème opus tout prêt à les satelliser, et tant pis si c'est un peu dans l'ombre de la comète Auerbach.

1. Cry Baby 4:07
2. Mess Around 2:53
3. Sweetie Little Jean 3:44
4. Too Late to Say Goodbye 4:12
5. Cold Cold Cold 3:34
6. Trouble 3:45
7. How Are You True 4:40
8. That's Right 3:52
9. Punchin' Bag 3:47
10. Portuguese Knife Fight 3:37

Matt Shultz − vocals, acoustic guitar
Nick Bockrath − guitar, backing vocals
Brad Shultz − guitar
Daniel Tichenor − bass
Jared Champion − drums
&
Matthan Minster − keyboards, backing vocals, percussion
Dan Auerbach − guitar, keyboards, backing vocals

CAGE THE ELEPHANT